Demoiselles de Numidie
de Mohamed Leftah

critiqué par Pucksimberg, le 20 novembre 2024
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
Drames dans un bordel casablancais
Ce roman se déroule dans un bordel de Casablanca où les prostituées sont vues comme des fleurs par l’auteur. Il y a Rose, Musc de la nuit, Nectarine, Louisa et bien d’autres, accompagnées de leurs maquereaux Spartacus et Zapata. Un beau soir, un prince des Golfes sera de la partie. Le lecteur suit donc le quotidien de ces personnages dans des épisodes sensuels, tragiques ou violents.

Ce roman marque les esprits pour plein de raisons. Il y a tout d’abord le regard de l’écrivain sur ses personnages. Il se range du côté des prostituées, ressent de l’admiration ou de la compassion pour elles. Il les transfigure et leur confère une forme de majesté en les transformant en déesses de la sensualité. Il y a de la grandeur dans ces femmes. Elles ont des destins tragiques et semblent bénéficier d’un certain prestige quand elles sont choisies par les maquereaux. Mohamed Leftah, c’est aussi une très belle écriture, poétique et stylisée. Il parvient à transformer le réel et à élever son sujet grâce à sa langue. Il connaît très bien ces endroits, donc parle d’un univers qui lui est familier. Un autre point qui marquera le lecteur est l’intensité des scènes. Certains passages sont crus, d’autres pourront me choquer le lecteur. La violence aussi est parfois présente et pourra décontenancer le lecteur, voire même le brusquer. Ce roman n’est pas tiède, c’est une évidence. La langue élève le sujet et lui confère un caractère littéraire.

De temps en temps, l’écrivain parle à son lecteur, justifie le choix d’un mot, explique sa démarche. Il procédait aussi ainsi dans « Au bonheur des limbes ». Cette façon de conter est assez originale et fait que le lecteur n’oublie jamais qu’il y a un conteur derrière ce récit. Les femmes sont stylisées et associées à des fleurs. Elles semblent même parfois sorties des fantasmes de l’écrivain qui leur fait vivre toutes sortes de situations. Il sait décrire le désir avec justesse et impudeur. Il ne se censure pas même s’il peut choquer ou écœurer parfois le lecteur car tous les aspects de la sexualité peuvent être abordés dans son œuvre.

Le lecteur de Mohamed Leftah doit accepter d’être confronté à des passages crus ou violents. Ce point pourrait desservir l’écrivain si l’on ne parvient pas à se laisser séduire par l’écriture. Ce n’est sans doute pas une lecture que je conseillerais à tout le monde, mais je lui reconnais des qualités indéniables. Son œuvre est rééditée et c’est mérité !