Le rôle de Bart
de Eva Kavian

critiqué par Saint-Germain-des-Prés, le 30 décembre 2004
(Liernu - 56 ans)


La note:  étoiles
Livre souriant
Probablement autobiographique, ce roman a de quoi séduire. La narratrice vient de vivre sa énième rupture : Bart, culpabilisé par tous, a finalement décidé de rester avec sa femme et ses enfants. Eva reste donc sur le carreau, après deux mois de passion prometteuse. Et elle souffre, Eva. Ses précédentes ruptures lui ont appris que sa convalescence se découpait en cinq phases. Au début du livre, elle en est déjà à la troisième. Eva se rappelle un conseil de son père : pour faire disparaître une souffrance, il faut qu’une autre vienne la supplanter. Eva décide donc d’arrêter de fumer : ça va lui faire mal, ça ! Je ne suis pas fumeuse, mais j’imagine que les stratagèmes qu’elle imagine pour arrêter sans arrêter, s’octroyer la toute dernière cigarette, postposer le sevrage à un moment plus propice, sont courants. En tout cas, ils font sourire plus d’une fois. Un petit regret pourtant : ils prennent un peu trop de place…

Le trait de génie, c’est qu’entre chaque chapitre, s’en glissent d’autres, d’un style différent et qui donnent l’occasion aux autres points de vue de s’exprimer. Par exemple, l’un est consacré à tout ce que les proches de Bart lui ont dit quand il a quitté (temporairement) sa femme, ou encore un autre laisse la parole aux voisins-voisines d’Eva sous la forme d’un micro-trottoir. Ces visions décalées introduisent du rythme, cassent la linéarité, mettent du sel dans les épinards.

Un petit coup de gueule, au détour d’une page : « Je pourrais aussi arrêter d’écrire. Vendre des pizzas ou des frites. Du nord au sud, dans ce pays, les friteries ont plus de clients que les librairies. Le Belgique est connue davantage pour ses frites que pour ses écrivains. Et je suis sûre qu’aucun marchand de frites ne doit monter un dossier afin de demander à une administration un petit coup de main pour nourrir ses enfants. »

L’humour toujours sur le fil du rasoir, l’autodérision perpétuelle, voilà aussi des caractéristiques d’Eva Kavian que l’on retrouve ici. Ce n’est pas un livre drôle, c’est un livre souriant, même lorsqu’il aborde la souffrance. C’est un livre au parlé vrai, au parlé de tous les jours (le micro-trottoir est criant de vraisemblance !). Et puis, la surprise finale nous ragaillardit définitivement…
Bart s'envole en fumée ? 9 étoiles

Eva vient de perdre Bart, le dernier en date de ses amants. Inconsolable, elle se souvient d’un conseil de son père : remplacer une douleur par une autre qui permet d’oublier la première. Le tout selon une thérapie à cinq phases ! Elle va arrêter de fumer et commencer la rédaction d’un autre roman. Avec beaucoup d’humour, l’auteur qui en est la narratrice nous fait entrer dans son petit monde, les amies de son quartier dans la même situation qu’elle, un voyant dans les cartes du tarot, un ami vingt ans plus âgé qui lui veut du bien. Au fil des rencontres, elle se refait un flash-back sur son premier amour et toute sa vie est ainsi passée en revue.
Ce roman est vraiment plaisant à lire. Outre l’humour qui revient ponctuellement, l’intérêt réside aussi dans la manière d’écrire : tantôt une progression linéaire dans la chronologie des faits, tantôt des séquences courtes comme autant de claps de prises de vue cinématographiques, tantôt un micro-trottoir sur l’évocation de ruptures…

Ddh - Mouscron - 83 ans - 3 novembre 2008