Marie Tudor
de Victor Hugo

critiqué par Cédelor, le 21 octobre 2024
(Paris - 52 ans)


La note:  étoiles
Une pièce romantique en diable
« Marie Tudor » est une pièce de théâtre en prose de Victor Hugo, représentée pour la première en novembre 1833.

C’est une pièce romantique à la diable, pleine de bruits et de fureurs, d’amours trahis et de vengeances mortelles, de tromperies et de manipulations. Tout est dit ! Quoi rajouter de plus ? Les sentiments y sont exacerbés à l’extrême, amour, haines, désespoir, ambitions, … Ah, cette reine Marie 1ère d’Angleterre ! Les actrices qui l’ont jouée auront dû y épuiser toutes leur réserve d’énergie au service de ce rôle exigeant de reine jalouse et vindicative jusqu’aux limites de la folie, avec ses longues tirades pleines de colères haineuses et de désirs de vengeance ! Cette Marie Tudor, telle que Hugo la représente était un cas ! Je ne sais si le véritable personnage historique y ressemblait vraiment mais ce surnom de Marie la sanglante va aussi comme un gant à celui de la pièce. Et pourtant, de femme blessée dans son amour qui utilise les pouvoirs de sa fonction de reine pour se venger, elle reste malgré tout prisonnière de cet même amour pour son favori Fabiano Fabiani, italien menteur, traitre et lâche et qui sut faire face courageusement malgré tout à la vindicte de la reine face à elle quand il vit que tout était perdu pour lui, mais qui fit tout à la fin de la pièce pour le sauver, fût-ce au détriment d’un autre innocent, au détriment même de la raison d’État et de la sauvegarde de son propre trône. Quand l’amour vous prend tout le cœur, le cerveau ne raisonne plus.

Tout ceci est arrivé d’abord parce que ce favori, qui avait donc toutes les faveurs de la reine, monarque absolu qui le couvrait d’or, de châteaux et de manteaux de velours, et qui ne l’aimait que pour les avantages immenses que cela lui apportait, s’est mis lui-même en position de danger en allant en aimer une autre, une femme du peuple de surcroît, certes belle, mais quand même ! Dans sa situation si privilégiée, quel besoin avait-il d’aller fricoter avec une belle du peuple et risquer ainsi de saboter sa belle situation. D’autant qu’il savait bien que si cela se savait, si la reine l’apprenait, sa tête tomberait facilement. D’autres favoris avant lui avaient subi ce sort. C’est aussi que je reproche à cette pièce, c’est que les intrigues des différents personnages y sont certes bien montées et s’enchaînent avec fluidité, donnant une lecture de la pièce très prenante, mais que les ressorts psychologiques qui les sous-tendent ne collent pas, paraissent peu vraisemblables. Et pas seulement pour Fabiano Fabiani et la reine, mais également pour les autres personnages, Jane qui aime comme un amant celui qui l’a recueilli enfant et qui l’avait élevé comme un père, que cette Jane pour qui Fabiano trompe imprudemment la reine soit justement entre mille autres femmes du peuple celle qui… euh bon, je ne vais pas tout dévoiler de la pièce non plus pour ne pas gâcher le plaisir des lecteurs à qui ça donnerait envie de la découvrir… Bref, cela et d’autres choses aussi, ça fait tiquer le lecteur, et peut-être sans doute le spectateur qui assisterait à la représentation de cette pièce. C’est dommage, car si on y fait abstraction, on apprécie beaucoup le déroulé de l’intrigue jusqu’au bout du suspense malgré ces ficelles trop faciles. Oui, c’est bien foutu et le père Hugo savait y faire, malgré qu’il ne s’est pas beaucoup soucié de la vraisemblance. Mais bon, on le remerciera de nous avoir fait passer un bon moment avec son intrigue, ses dialogues, ses tirades et sa fin à suspense ! Du bel ouvrage quand même !