Ses semelles sont d'écorce
de Laurence Fritsch, Cécile A. Holdban (Dessin)

critiqué par Débézed, le 17 octobre 2024
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
Semelles de vent
Comme l’écrit son éditeur dans la courte biographie qu’il propose, « Adepte des formats courts, instantanés surréalistes, elle propose une poésie minimaliste… », juste quelques vers, juste quelques pieds dans chacun d’eux, mais une formidable intensité, une puissante force d’évocation pour dire la nature dans laquelle elle vit, le marbre dans lequel sa mort s’inscrit déjà.

Patrick Devaux, le préfacier, évoque l’écorce qui est au centre des poèmes de Laurence : « Sans doute s’agit-il d’un rite de passage où se porte sur des rides, un regard…». Rite de passage, métaphore, allégorie du vivant, …, l’écorce est une forme de peau qui protège, mue, se transforme pour marquer les âges de la vie, pour souligner une fragilité, « …la belle est sans force / ses semelles sont d’écorce / … ». L’auteure dans « Chaque poème traduit un état d’âme, la fulgurance de la pensée, et quand elle est cri, l’impossibilité des mots ». Elle dit dans une véritable ode à la matière minérale, animale, végétale, aux arbres surtout, dans des mots lancés dans l’air, dans le souffle du vent où ils s’envolent avec légèreté, la fusion des corps avec la matière, la fusion des sentiments dans la matières, la fusion des mots dans le texte.

L’association peau-écorce est récurrente dans ses vers, ses mots s’opposent ou s’épousent en chantant une douce mélodie dans des textes aériens nourris de belles assonances. Les illustrations de Cécile A. Holdban ne sont pas très nombreuses mais elles soulignent la thématique végétale que Laurence introduit dans ses poèmes.

Pour conclure ce court propos, à l’instigation des poèmes de Laurence, j’ai choisi ce texte qui invite au voyage au-delà de la vie matérielle et à la nécessité de satisfaire ses envies et ses désirs : « tu attaches / au bord de la grève / la barque de nos rêves engloutis // tu attaches / au bord des lèvres / le baiser de nos désirs inaboutis ». Un court poème qui montre que ce recueil est aussi une belle page de littérature romantique empreinte d’une douce sensualité.

Des mots, de la musique, qui procurent le frisson qui génère le plaisir de lire et de vivre autrement…