Le Roi s'amuse
de Victor Hugo

critiqué par Cédelor, le 14 octobre 2024
(Paris - 52 ans)


La note:  étoiles
Du bon et du moins bon
« Le roi s’amuse » a été peut-être la pièce de théâtre la plus polémique de Victor Hugo, le pouvoir d’alors n’hésitant pas à l’interdire de représentation dès le lendemain de la première, qui eut lieu le 22 novembre 1832. On y a vu une attaque en règle des rois et par extension de la royauté, du gouvernement, de Louis-Philippe, alors institué roi de France depuis la révolution de Juillet 1830.

Il est vrai que rien que le titre lui-même pouvait paraître suspecte aux yeux des détenteurs des membres du gouvernement de Louis-Philippe, le dernier roi de France, qui avait succédé à Charles X, chassé par la révolution de Juillet. Ensuite, le contenu de la pièce a dû être le comble ! Il y est représenté un roi de France du Moyen-âge, l’un considéré des plus illustres, François 1er. Et ce dernier n’y est pas montré du tout à son avantage, en coureur de femmes, qui saute sur chaque jolie représentante du sexe faible, qu’elle soit déjà mariée, mère, fille de ou sœur de. Un obsédé bon vivant, cynique et indifférent au malheur des familles qu’il cause en s’attaquant à leurs femmes. Le titre et le thème ont dû fortement déplaire aux thuriféraires du pouvoir de Louis-Philippe.

La pièce ne pourra être représentée à nouveau que bien plus tard en 1882. Malgré son parfum de scandale dû à l’interdiction et à son sujet considéré malséant pour les mœurs, ce fut un échec. Je ne sais pas ce que ça vaut représenté sur scène, mais à la lire, ce n’est pas la meilleure des pièces que Hugo ait faite.

Alors il y a le roi François 1er déjà cité. Il y a surtout comme personnage principal de toute la pièce Triboulet, le fou du roi, difforme et bossu, dont la fonction est de faire rire le roi quand il s’ennuie. Triste fonction à la vérité ! S’évertuer à faire rire le roi et ses courtisans alors que lui-même ne se sent pas toujours d’une gaieté folle à fréquenter cette cour de gens cyniques, débauchés, méchants, indignes (le roi donne l’exemple). Heureusement, Triboulet a sa fille, son unique trésor, sa seule famille pour consolation de cette vie fausse et dégradante et qu’il protège en la tenant absolument éloignée de la cour. Pourvu que le roi en ignore l’existence !

La pièce débute sous le signe de la gaité et des rires mais verse très vite dans le drame, puis la tragédie, avec une fin très sombre. Finalement, Hugo en finit par en faire trop sur le registre de l’émotion, des larmes, du malheur. Tout est raconté en vers, ce qui est plaisant. Mais l’immoralité parfois odieuse de certaines scènes dérange. D’autres ne sont pas vraisemblables mais d’autres encore sont touchantes. Ce Triboulet est finalement plus victime que bourreau, le bourreau étant en premier lieu surtout le roi et son influence néfaste et irresponsable. Et la construction de la pièce entre les actes n’est pas aussi bonne qu’on aurait pu attendre d’un auteur comme Hugo qui nous a habitués à mieux. Bref, il y a du bon et du moins bon.

Non, décidément, pas la meilleure œuvre de Hugo.