Brûlure indienne
de Philippe Fiévet

critiqué par Débézed, le 7 octobre 2024
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
Sur la piste des Sioux
Dans ce récit, Philipe Fiévet raconte l’histoire de Franck, il préfère se contenter de ce prénom pour éviter de commettre des fautes dans son nom de famille trop compliqué à écrire, celui d’une famille qui a connu les affres de la sauvagerie nazi lors de la dernière guerre. Elle a fui cette vaste région qui navigue entre les diverses puissances d’Europe centrale et de l’est, emportant avec elle sa misère et son nom imprononçable jusqu’à Bruxelles où elle s’est installée. Comme tous les gamins du baby-boom Franck a connu, le Far West, les westerns, les cowboys et les indiens, les bandes dessinées, Buffalo Bill, Kit Carson, Buck John, Sitting Bull, Crazy Horse et tellement d’autres… Moi, j’étais toujours un cowboy, lui il préférait être un indien chevauchant son cheval filant comme le vent. Passé l’adolescence, il n’a pas perdu sa passion contrairement aux autres gamins qui n’ont conservé qu’un intérêt plus ou moins vif pour les fameux westerns qui envahissaient les écrans dans les années cinquante, soixante et même après encore.

Franck est devenu le plus grand collectionneur d’Europe d’objets indiens, il a construit le plus grand musée rassemblant ce type d’objets, il est devenu la personnalité la mieux informée, la plus connue, la plus célèbre, la plus passionnée en ce qui concerne tout ce qui évoque les Amérindiens. Sa passion enfantine a trouvé le détonateur à son désir de collection quand il a trouvé chez un brocanteur dix malles qui contenaient des objets provenant de la Foire internationale de Bruxelles qui s’est tenue en 1935. Dans ces malles, il y avait des objets évoquant cette foire et certains même provenant de cette foire mais surtout tout le matériel de démonstration d’une troupe de Sioux qui représentait l’Amérique à cette occasion. Il a même retrouvé dans une malle un document attestant la vente de tout ce lot par une famille Lakota issue de la tristement célèbre réserve de Pine Ridge, peut-être la plus déshéritée de toutes les réserves indiennes.

Franck a cherché, longuement cherché, toujours cherché à en savoir plus sur ses fameux indiens dont il ignorait tout. Il a fini par établir un contact avec cette famille, la famille Littelmoon, il a réussi a localisé un des fils du vendeur des malles, le plus jeune, le dernier d’une importante fratrie à la mode indienne. Dès lors une relation amicale particulièrement chaleureuse s’est instaurée entre les deux hommes. Franck n’a eu de cesse de développer son musée en nouant des relations privilégiées avec les institutions américaines travaillant à la défense de la cause amérindienne, de leurs langues et de leur culture. Il a accompli de très nombreux voyages dans l’Ouest américain notamment pour découvrir de nouveaux objets, en acheter, en vendre, apprendre à mieux connaître encore ce peuple martyr afin de mieux défendre sa cause. Il était pourtant impossible de gommer les effets si destructeurs des efforts d’intégration, d’éducation, d’instruction, de démolition culturelle, de dressage, …, entrepris pour faire des indiens de bons américains.

Le géant à la tenue de cowboy qui hante peut-être encore les alentours de boulevard Adolphe Max à Bruxelles, là où il a installé le plus grand magasin européen d’articles du Far West, le Western Shop, a connu le summum de la gloire quand il a écrit en collaboration avec le Directeur d’un musée de Denver un livre sur les wild west shows dont celui de Buffalo Bill. Il ne lui reste plus qu'à assurer la transmission de ce patrimoine culturel pour tourner la dernière page de cette folle épopée sur la piste des Lakotas. Philippe Fiévet a décrit avec une grande minutie, beaucoup de passion et une langue très fluide la double quête de Franck : la constitution d’une collection reconnue mondialement et la participation à la reconnaissance de la culture de tout un peuple ne voie d’éradication.