Le dessinateur d'ombres
de Ana Clavel

critiqué par Jfp, le 22 septembre 2024
(La Selle en Hermoy (Loiret) - 76 ans)


La note:  étoiles
noir et blanc
Vous avez dit bizarre ? Oui, ce petit roman, vite lu mais d’une grande qualité d’écriture, est vraiment bizarre et aurait mérité quelques éclaircissements de la part de l’auteur ou d’un préfacier. Johann Kaspar Lavater, personnage central du roman, a vraiment existé. Ce pasteur protestant, originaire de Zürich, était obsédé par la physiognomonie, cette pseudo-science consistant à retrouver chez les personnes des caractéristiques morphologiques, souvent des ressemblances avec des animaux, susceptibles d’indiquer leurs penchants les plus secrets. Il espérait ainsi régénérer l’humanité, pour le grand bien de la religion et du salut éternel. On le taxerait aujourd’hui d’illuminé mais à l’époque (on est au dix-huitième siècle) cela a permis d’asseoir définitivement sa renommée. Le roman s’attache également à un jeune orphelin, habile à dessiner au fusain, dont il va faire son assistant dans ses recherches, à une époque où la photographie était encore dans ses balbutiements. Personnage sans doute fictif, ce "dessinateur d’ombres" va poursuivre seul son destin, au grand dam de son mentor, en compagnie d’un "montreur d’ombres" italien qui va l’initier au fonctionnement des chambres noires (camera obscura), ces ancêtres de nos appareils photographiques. L’histoire se lit agréablement, nimbée d’étrangeté lorsque rêve et réalité semblent se confondre dans la bonne tradition du réalisme magique latino-américain. Mais le message que veut délivrer (ou pas) l'auteure reste bien mystérieux. Ombre ou lumière, que doit-on choisir en ces temps où la science semble méprisée au profit des thèses les plus obscures ?