Haute Dune
de Anne Bolloré

critiqué par Débézed, le 21 septembre 2024
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
Entre Concarneau et Bénodet
Anne Bolloré a passé de nombreuses vacances familiales à Fouesnant, entre Bénodet et Concarneau, elle semble en avoir gardé des souvenirs particulièrement inoubliables, des souvenirs pleins de couleurs, d’odeurs, d’images, de personnages pittoresques, de paysages enchanteurs où la terre et la mère se marient dans des camaïeux de gris et de bleu. Elle a voulu faire revivre ces paysages de son enfance avec les personnages qui les peuplaient en les cherchant dans la vie qu’ils menaient à la fin du XIX° siècle quand la mer était encore une solution d’avenir pour de nombreux Bretons. Pour ce faire, elle raconte, dans ce texte, l’amour à distance d’Adrien et de Marie Anne descendants de petits nobliaux bretons encore très ancrés dans leur sol, leurs traditions et leur religion.

Lors d’un bal d’officiers, Adrien a séduit la belle Marie Anne avec laquelle il s’est bien vite fiancé. Cette histoire d’amour enchantée a bientôt tourné au drame quand les parents de la belle jeune fille ont péri en mer : le père, Tugdual Lemoulin-Driant, ayant enfin décidé d’emmener son épouse à l’Ile Bourbon où il se rendait régulièrement sur le bateau qu’il commandait pour le compte d’une compagnie maritime. Premier voyage, première attention pour l’épouse dévouée qui élevait les enfants en attendant avec de moins en moins de patience son mari, à son avis, trop souvent au loin, et pour finir le drame… Adrien et sa famille ont accueilli Marie Anne dans leur demeure proche de Fouesnant et Charles, son frère, a vite été expédié au séminaire par l’armateur du bateau peu empressé de secourir les deux orphelins.

Quand la France voulu garantir et même développer ses territoires conquis dans le Sud-Est asiatique, Adrien dû répondre à l’appel de la marine nationale pour accomplir son service militaire. Sa fiancée resta alors auprès des parents de son fiancé pour patiemment attendre qu’il revienne de sa longue mission. Charles, son frère, la rejoignit bien vite et se passionna d’archéologie auprès d’Armel de Kerampol, le père d‘Adrien, fin érudit d’histoire locale. Pour meubler son temps et distraire son ennui loin de son fiancé, Marie Anne découvre la peinture qu’elle pratique dans la compagnie de deux frères américains venus rechercher des paysages à leur convenance dans de coin de Bretagne, tout en évitant les écoles qu’ils n'apprécient pas plus l’un que l’autre, qu’elles soient de Pont-Aven ou de Concarneau. Marie Anne craint de se laisser charmer par l’un des deux frères, les événements et son frère l’encouragent à savoir garder raison…

Ce texte est un véritable portrait de la Bretagne de la fin du XIX° siècle quand les Bretons se répartissaient entre terriens et marins. Les Kerampol et leur personnel incarnent les Bretons de la terre ceux qui perpétuent encore les traditions ancestrales. Marie Anne est appelées à leur succéder mais elle découvre le monde et la civilisation extérieurs à travers les arts et ceux qui viennent de loin pour les pratiquer dans cette lumière si douce. Adrien incarne lui le Breton de la mer, du grand large, de la découverte des nouveaux territoires au bout du monde connu. Ainsi, dans ce roman, Anne Bolloré décrit la vie et les mœurs des nobliaux terriens, des pêcheurs et de ceux qui vivent du poisson, des marins engagés dans la marine de guerre ou de commerce, des expéditions au large, des guerres et tractations conduites par ceux qui participent à la constitution de territoires français en Extrême Orient. Elle évoque aussi, dans un langage riche respectueux de la tradition et avec une certaine passion, la peinture et le vie des peintres qui cherchent un avenir glorieux au bout de leur pinceau dans la lumière bretonne.

Anne Bolloré ne peut cacher qu’elle voue une véritable passion à ce coin de Bretagne qu’elle semble aimer plus que toute autre région de France et d’ailleurs (Le quantité de détails et le nombre de notes qu’elle inscrit au bas de ses pages l’attestent) et qu’elle éprouve une certaine admiration pour « Les Bretons (qui) veulent toujours être ailleurs ; ils sont poètes, prêtres, marins ou ivrognes », toujours fiers de leur pays qu’ils défendent, sur terre et sur mer, jusqu’à la dernière énergie avec courage et vaillance.

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