L'autre Venise
de Predrag Matvejevitch

critiqué par Sahkti, le 25 décembre 2004
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Intime Venise
Predrag Matvejevitch déploie tout son talent pour nous livrer un portrait hors des sentiers battus, très intime, de la Cité des Doges, engluée dans de solides clichés qui finissent par ternir, voire effacer, son véritable visage.
Privilégiant les angles différents, les détails ou les fragments minuscules d’une ville dont on ne capte plus que quelques contours formatés par les cartes postales, Matvejevitch accorde leur juste place aux éléments mineurs. Une ruelle, une statue, un arbre, des ombres, un pilotis de bois dans la lagune, la patine d’un palais, les nuances automnales des murs fanés…
Matvejevitch s’attarde sur un coucher de soleil (magnifique passage sur l’endroit parfait pour un beau coucher de l’astre, entre la petite île de Saint-Lazare-des-Arméniens et celle de San Servolo) ou sur la végétation (la vetriola, omniprésente, par exemple), sur les pierres sculptées à côté desquelles on passe rapidement dans les ruelles (Matvejevitch en profite pour parler du motif répandu de lion de Saint-Marc, du symbole du pain… Ce n’est pas uniquement un livre-promenade, c’est un véritable guide historico-culturel).

Cet ouvrage est plein de poésie et de vie. Tout en douceur, il nous guide dans Venise, par les méandres des canaux et des ruelles, loin des touristes, redécouvrant la lagune, mettant en valeur la place stratégique qu’occupe la cité dans la culture mais aussi la géographie et la politique. Carrefour de nombreuses civilisations, Venise grouille de dynamisme et est trop souvent, aux yeux de l’auteur, réduite à une simple curiosité touristique galvaudée et ternie par des hordes de curieux pas vraiment intéressés.
A travers des témoignages et des histoires, Predrag Matvejevitch fait revivre la Sérénissime pour le plaisir de l’imagination. Il est doué d’un vrai talent d’observateur, observateur des petits riens, de ces détails qui composent le tout. Sans faire de longues phrases ou de beaux discours inutiles, Matvejevitch nous raconte sa Venise qu’on aimerait être nôtre tant elle est devenue belle sous sa plume et surtout ses yeux.