Tempête sur Kinlochleven
de Peter May

critiqué par Poet75, le 16 août 2024
(Paris - 68 ans)


La note:  étoiles
En 2051 en Ecosse
Avec ce polar, le dépaysement est garanti, non seulement parce que son action se situe sur un terrain montagneux près de Glasgow mais aussi parce qu’il nous fait voyager dans un futur proche, en l’occurrence en 2051, dans un environnement chamboulé par les dérèglements climatiques. Si ce roman est prémonitoire, en cette année-là, alors qu’une grande partie du globe étouffera sous des chaleurs extrêmes, d’autres territoires, du fait de la quasi disparition du Gulf Stream, devront, au contraire, faire face à un climat beaucoup plus froid qu’aujourd’hui. Ainsi en Écosse où le climat sera semblable à celui qui, auparavant, affectait le nord de la Norvège. Ajoutons encore au décor du roman la masse imposante d’une centrale nucléaire de dernière génération ainsi qu’un site d’enfouissement de déchets radioactifs. Tout cela dans une Écosse qui a accueilli de nombreux réfugiés climatiques venus d’Afrique et d’Asie, ce qui a généré des mesures de plus en plus protectionnistes et, disons le mot, racistes.
Si tout ce contexte a de quoi fortement impressionner le lecteur, il convient d’ajouter que ce qui donne au roman sa force véritable, ce sont ses personnages, à commencer par le principal d’entre eux, l’inspecteur Cameron Brodie, sollicité pour mener l’enquête du côté de la bourgade de Kinlochleven où a été retrouvé, en montagne, coincé dans la glace, le corps d’un journaliste. Cette mort étant suspecte, il convient de dépêcher sur place un enquêteur. Non sans avoir hésité, Brodie accepte d’y aller.
Or, si Brodie a hésité, c’est pour de bonnes raisons : d’une part, il vient d’apprendre que son cancer généralisé ne lui laisse plus que quelques mois à vivre ; d’autre part, aller à Kinlochleven, c’est, pour lui, devoir se confronter à sa propre fille Addie, une fille qui, croyant que son père est le responsable direct du suicide de sa mère dix ans plus tôt, a coupé tout lien avec lui. Dès lors, le roman se déploie sur deux registres qui se recoupent : l’enquête pour déterminer, l’hypothèse du meurtre ayant été confirmée, qui a tué un journaliste dont les investigations étaient manifestement dérangeantes ; la confrontation inévitable entre Brodie et sa fille, une fille qui commence par lui signifier rien moins que sa haine. Mais que s’est-il réellement passé jadis entre Brodie et la mère d’Addie pour que cette dernière ait mis fin à ses jours ?
Bien construit, le roman de Peter May captive le lecteur au moyen d’un nombre conséquent de rebondissements et de scènes haletantes. Du fait de personnages attachants comme du fait du cadre dans lequel ceux-ci évoluent, il tient en haleine jusqu’au bout. Et puis, et ce n’est pas le moindre de ses mérites, on peut y percevoir, de manière sous-jacente quoique tout à fait évidente, un propos politique qui m’a semblé très approprié, très pertinent, en particulier sur le choix insensé du tout-nucléaire, ou du quasi tout-nucléaire, pris par de nombreux gouvernements, pour subvenir à nos besoins en électricité.