Le don du mensonge
de Donna Leon

critiqué par Nav33, le 7 août 2024
( - 76 ans)


La note:  étoiles
Dans les brumes de Venise et du passé
Si vous n'avez pas encore lu un seul de la trentaine de de polars mettant en scène le commissaire Brunetti . Sachez que c'est un policier qui – situation inhabituelle dans la littérature policière - n'est ni alcoolique , ni déprimé et qui est même heureux en couple et en famille.Il est épicurien et cultivé . Paola son épouse professeur de littérature est l'alter ego de l'auteure , du moins professionnellement. Brunetti est issu du peuple tandis que Paola est née dans l'aristocratie vénitienne.

Je n'ai lu qu'une dizaine de la série des Brunetti . Par rapport à mes lectures précédentes cette dernière traduction en français tient une place à part .
Comme souvent , un des personnages principaux est la ville de Venise elle-même. C'est une Venise un peu fantomatique qui émerge du pire de la pandémie de COVID et dans laquelle on évite de se serrer la main , ou de traverser les lieux les plus fréquentés. Les habitants sont souvent déroutés par cette atmosphère et en même temps apprécient d'admirer leur ville débarrassée de la foule des touristes.
Les collègues de Brunetti à la questure jouent un rôle relativement limité dans cet épisode. La signorina Elettra intervient nécessairement avec magie pour combler l'incompétence en informatique de Brunetti qui doit refléter probablement celle de Donna Leone elle-même . C'est une véritable hackeuse et elle dispose également d'un réseau tentaculaire de relais d'informations.

Toute l'action se concentre sur Brunetti confronté à une étrange demande d'aide officieuse émanant d'une ancienne amie et voisine d'enfance , Elisabetta . Celle-ci sollicite le commissaire, car son gendre aurait fait part à sa fille de craintes soudaines et mystérieuses sans pouvoir lui en révéler l'origine. Sur cette très mince base de départ Brunetti entame une enquête clandestine , rapidement embarrassante pour lui-même et encore plus vis à vis des collègues qu'il a entraînés dans cette galère peu réglementaire . Pendant qu'il essaie de démêler l’écheveau, il y a peu d'action , beaucoup de discussions et le lecteur pourrait se lasser de toutes ces circonvolutions. Mais celles ci ne sont pas gratuites car il s'agit d'une intrigue psychologique , où Brunetti se confronte aussi à son propre passé , avec un petit parfum de John le Carré. Dans cette histoire ,il y a surtout des victimes morales blessées dans leur honneur, des pauvres non secourus , des délinquants relatifs , des complices compromis malgré eux et un personnage central malfaisant qui se révèle tel dans la dernière partie du roman , quand le brouillard se dissipe dans le cerveau de Brunetti.