La rôtisserie de la reine Pédauque
de Anatole France

critiqué par Saint Jean-Baptiste, le 24 décembre 2004
(Ottignies - 88 ans)


La note:  étoiles
Un "classique" parmi les meilleurs
C'est tout récemment qu'Anatole France a fait son entrée sur notre site. Il nous a été présenté par Saint-Germain-des-Prés et tout le plaisir était pour nous.
Anatole France est un tout grand auteur, un classique, comme on dit. Poète à ses jours, ce grand érudit fut aussi critique d'art et historien, mais c'est comme romancier qu'il donna la pleine mesure de son talent. Ce dilettante ne publia qu'une quinzaine de romans et parmi ceux-ci La Rotisserie de la Mère Pédauque, publié en 1893, est considéré comme un sommet.
Dans ce récit, l'auteur s'est amusé à raconter une histoire invraisemblable avec une succession de scènes des plus cocasses et des personnages hauts en couleur et des plus farfelus. Par moment on voit surgir des Salamandres, des Elfes, des Nymphes et des Fées, qui tout à coup prennent les apparences bien réelles de jeunes-filles lascives, envoyées par le Diable pour affoler les jeunes hommes (et les autres). Le tout est raconté en affectant le plus grand sérieux et ça donne un résultat d'une drôlerie extraordinaire. Mais cette histoire est aussi prétexte à faire passer par le truchement des dialogues, les propres idées de l'auteur ; et Anatole France ironise et se moque de tout : d'abord et surtout des institutions et de la morale, mais aussi du clergé cupide et gourmand, des alchimistes magiciens, des savants adeptes des sciences occultes, des érudits bavards et des philosophes cabalistes ; tout y passe et c'est désopilant !
Anatole France est un auteur surdoué ; son style, très "grand siècle", est tout en clarté, précision et souplesse. C'est un philosophe un peu touche-à-tout, superficiel et sceptique mais doué d'un humour tout en finesse et en invention ; il est l'incarnation même de ce "bel esprit français" dans ce qu'il a de plus subtil.
Il était, de son temps, paraît-il, la coqueluche des salons et l'auteur préféré des élites. Moi qui ne fréquente pas les salons et qui me sent plutôt éloigné des élites, j'ai pourtant savouré ce livre à sa re-lecture encore plus qu'à la première fois. A tel point que si j'y avais pensé, je l'aurais placé dans les tous premiers rangs des mes dix livres préférés. C'est en effet, à mes yeux, un des romans les plus amusants et un des meilleurs "classiques" de la littérature française.
Égarement littéraire 3 étoiles

Le style est magnifique : un beau français comme j'aimerais en lire plus souvent, à la fois littéraire et moderne. L'intérêt de ce livre (roman ?) s'arrête là.
En fait de roman, il n'a rien de romanesque. Si l'écriture est flamboyante, la construction est erratique, faite d'une suite de propos longuets, répétitifs, et ennuyeux, écrits au kilomètre, probablement selon l'humeur de l'auteur cherchant l'inspiration ! Je n'y ai rien trouvé de ce que les précédentes critiques pouvaient laisser présager ! Déception.
Je resterai sur mon excellent souvenir de "Les Dieux ont soif" !

Homo.Libris - Paris - 58 ans - 20 février 2017


Un peu déroutant au début, puis de plus en plus pétillant 7 étoiles

Raconté avec un petit je ne sais quoi de "Candide", c'est à dire un peu détaché, Anatole France nous raconte sur un ton égal des histoires louches de salamandres, des récits bibliques, des anecdotes de la vie d'un curé aussi croyant que débauché...
J'ai eu beaucoup de mal à trouver de l'interêt à l'histoire au début, et puis petit à petit, j'ai adhéré aux turpitudes religieuses et picaresque du jeune Jacques Tournebroche.
Mais je ne pense pas que ce livre va rester longtemps dans ma mémoire. Il va pour moi faire partie de ces livres que j'oublie un peu.

Lucile - Stockholm - 36 ans - 11 avril 2012


Divertissant 8 étoiles

Même si je lui préfère "Les dieux ont soif", qui est peut-être la meilleure oeuvre d'Anatole France, "La rôtisserie de la reine Pédauque" a su largement me séduire.

Déployant une langue chaleureuse et agréable, le lauréat du Prix Nobel de littérature en 1921 crée un livre qui, oscillant avec brio entre plusieurs genres (picaresque, roman d'apprentissage, récit historique et critique sociale), s'avère plus distrayant qu'il n'en a d'abord l'air.
France relate l'histoire d'un abbé très croyant mais bon vivant et qui se passe dans la première moitié du XVIIIème siècle. S'il rappelle les chefs-d'oeuvre du genre ("Gil Blas de Santillane" de Lesage, "Histoire comique de Francion" de Sorel et "Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut" de l'abbé Prévost), "La rôtisserie de la reine Pédauque" est également marquée par le style inimitable de l'auteur. On peut notamment identifier ce style grâce à un humour mordant, la présence d'une galerie de personnages pittoresques (un vieux juif coléreux, un seigneur adepte de la magie noire, un gentilhomme athée et cupide) et l'insertion subtile des pensées et des opinions de France dans les propos des personnages.

Le rythme vif du livre et le style de l'auteur apportent beaucoup d'agrément au lecteur.
France est un auteur, que j'aimerais bien encore mieux découvrir.

Matthias1992 - - 32 ans - 13 octobre 2007


Savoureux à souhait, ce rôti ! 9 étoiles

Saveur inégalable de ce langage quelque peu désuet d’Anatole France… Il brocarde l’idée reçue que le clergé vit de vertu, il ironise à propos des alchimistes, il taquine les naïfs, il règle leur compte aux méchants, bref, tout fait farine à son moulin. Quel esprit ! Mais en même temps, on sent une réelle affection pour toutes ces catégories humaines différentes.

Que dire de l’histoire ? Le jeune narrateur se fait engager, ainsi que son maître, abbé de son état, par M. d’Astarac, moitié-philosophe moitié-fou, pour traduire un texte grec. Il a collecté avec beaucoup de soin, et grâce à une pluie d’écus, plusieurs documents issus de traditions différentes qui, mis ensemble sont censés le ramener aux sources de la science perdue. En outre, M. d’Astarac voit des Salamandres partout, ce qui n’est pas la moindre de ses extravagances… Tournebroche, le narrateur, sera embarqué dans une aventure rocambolesque, un événement en entraînant un autre.

Toutes ces aventures m’ont fait penser, toutes proportions gardées, à Arto Paasilinna. Le cocasse, l’humour et la douce moquerie se disputent le haut de l’affiche et le style (fin dix-neuvième, quand même), qui appliqué à des sujets « sérieux » pourrait sembler lourd, est ici d’un à propos évident.

Saint-Germain-des-Prés - Liernu - 56 ans - 18 avril 2005