Un été grec avec Camus
de Dimitris Stefanakis

critiqué par Pucksimberg, le 10 juillet 2024
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
Dans les années 2000, Camus revient à Mykonos le temps d'un été ...
Un astrophysicien parvient à faire revenir Albert Camus dans notre monde, à Mykonos plus précisément, à notre époque, le temps d’un été. Ariane sera sa guide ( n’est-elle pas un avatar de celle qui guida un héros grec dans le labyrinthe du Minotaure ? ) et espèrera vivement que l’écrivain parviendra à terminer son dernier texte inachevé « Le Premier homme ». On découvre un Camus un peu désorienté qui ne se souvient plus de sa disparition. Il ne reconnaît plus la Grèce qu’il avait connue ce qui donne l’impression qu’il devient un Meursault en décalage avec le monde actuel. Dans ce roman, nous suivons l’été de cet écrivain connecté au monde par ses sens, nourri par le soleil et la mer. Nous le suivons discuter avec divers personnages, dont Ploutarchos cet écrivain cynique et débauché dont le nom rappelle une autre figure littéraire. Camus manifeste aussi son goût pour les femmes et aimera croquer la vie à pleines dents lors de soirées avec l’écrivain grec hédoniste.

Ce roman est quelque peu surprenant par son postulat de départ : le retour d’Albert Camus de nos jours. Cela pourrait même sembler totalement farfelu ou nourri de l’univers de science-fiction. Ce ne sont absolument pas les choix que fera Dimitris Stefanakis. On oublie assez vite les causes technologiques, et le lecteur est confronté à cet écrivain qu’il connaît déjà fort bien par ses textes ou par sa renommée. Il y a quelque chose d’excitant et de touchant à la fois d’imaginer cette grande figure littéraire prendre le soleil, discuter avec des amis, séduire des femmes … On a l’impression de tirer le rideau qui cachait l’intimité d’Albert Camus tout en n’oubliant pas que tout est fiction.

Les dialogues entre les personnages sont intéressants pour un lecteur de Camus. Toute son œuvre est évoquée rapidement, tout comme la figure de Sartre et certains épisodes significatifs de sa vie. Le roman n’est pas une analyse profonde de son œuvre. Ce roman ne se veut pas didactique. Il n’empêche qu’il permet de balayer certains points importants et vrais sur l’écrivain, d’autres éléments sont surinterprétés et propres au genre du roman. Il est vrai que Camus a une aura particulière chez nous, comme Rimbaud, comme si ces auteurs avaient atteint le rang de mythe. Pour cette raison, le lecteur pourra être parfois mal à l’aise quand Camus est remis à sa place par un employé du restaurant ou quand certains personnages lui font des reproches parce qu’il est intouchable à nos yeux. Cela fait partie du jeu.

Ce roman peut apparaître comme une fantaisie mais a beaucoup de charme. La façon dont Camus regarde le monde est intéressante et la priorité accordée aux sensations peut être une façon précieuse de se connecter avec le monde. Ce voyage en Grèce est très agréable et matérialise un rêve de nombreux lecteurs qui est de passer quelques heures ou quelques jours avec un artiste qui n’est plus. Les chapitres sont courts, l’écriture est belle et poétique parfois, les nombreux clins d’œil aux romans de Camus font de ce texte un voyage dans le temps et dans l’univers de l’écrivain.