Impuissances
de Thierry Radière

critiqué par Débézed, le 8 juillet 2024
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
La maltraitance enfantine
Ce recueil ressemble à un recueil de nouvelles mais l’auteur a choisi d’y rassembler des monologues, des réflexions, qu’il livre sur l’impuissance physique, morale, personnelle, collective, … qui peut paralyser certains êtres dans des conditions particulières ou à la suite d’épisodes douloureux de leur passé.

Un adolescent de seize ans, en assez de fuir les vrais problèmes et notamment celui de sa virilité en berne, il décide de l’aborder franchement avec sa petite amie. Il remonte à son enfance où il a connu certaines situations troublantes avec son frère aîné Romain accro à la drogue, trichloréthylène, et amoureux d’une fille avec laquelle il fornique ardemment. Romain n’a pas pu l’initier à sa drogue et guère plus aux secrets des filles. Il reste impuissant, en équilibre précaire , entre le modèle du couple parental baigné dans un profond désaccord et celui du frère et de la copine qui, après un fol amour, s’effrite désespérément.

Loïc raconte l’impuissance qu’il a ressenti au moment d’expliquer les bêtises faites avec ses quatre camarades dans des cimetières militaires en volant le drapeau français sur lequel il voulait exécuter une œuvre d’art alors que les autres l’utilisait comme un vulgaire jouet. Il n’a pas su formaliser le concept artistique qu’il avait en tête, il n’a pas su dire son projet, il n’a pas pu éviter le drame…

Pauline est délaissée par sa famille qui ne lui donne même pas de quoi manger, elle décrit, à sa professeure de français, la situation dans laquelle elle vit. Celle-ci lui raconte à son tour sa propre vie de fille de parents riches délaissée elle aussi. Sa mère l’accuse de l’avoir fait souffrir, elle voulait avorter mais ne le fœtus s’est accroché, elle n’a jamais accepté cette fille différente de ses deux autres enfants, une file qui manque d’ambition se contentant d’une vie de professeure agrégée alors que la famille baigne dans les affaires où elle gagne beaucoup d’argent. Déconsidérée, elle manque de confiance en elle, change de petit ami sans cesse, tente même de se suicider. La maltraitance n’est pas le fait seulement des pauvres, beaucoup de riches s’y adonnent avec perversité.

Yann est lui aussi un enfant d’une famille riche mal considéré par des parents qui ne pensent qu’à se quereller, il travail très mal à l’école car il a toujours la tête ailleurs, accaparée par les problème domestiques. Son institutrice lui raconte sa propre vie d’enfant non désiré pour essayer de lui faire accepter sa vie, de la comprendre afin de pouvoir en sortir par le haut en étudiant le plus studieusement possible.

J’ai lu plus de vingt livres de Thierry, je connais un peu sa famille dont il a beaucoup parlé dans les recueils qu’il a publiés, j’ai lu aussi des livres de son épouse, je sais qu’il adore ses enfants qu’il évoque toujours avec beaucoup de tendresse. Je comprends donc très bien qu’il soit très sensible au sujet de la maltraitance des enfants notamment et qu’il ait éprouvé le besoin d’écrire à ce propos. C’est pour lui un changement radical de ton, il a beaucoup écrit avec douceur, tendresse et amour et, avec ce recueil, il évoque la méchanceté, la déconsidération, la maltraitance, … tout ce qui peut blesser et faire souffrir, tout ce qui laisse des traces indélébiles chez l’enfant.

Avec ce livre Thierry se livre à un exercice d’analyse des comportements malsains avec beaucoup de précision, de profondeur, de finesse, …, il démontre ainsi qu’il possède le talent littéraire et la sensibilité psychologique pour écrire le grand roman qu’il, je l’espère, nous offrira bientôt.