Poil de carotte
de Jules Renard

critiqué par Léonce_laplanche, le 19 décembre 2004
(Périgueux - 88 ans)


La note:  étoiles
Petit renardeau deviendra grand
Etonnant que personne n’ait encore critiqué cet excellent petit livre !
Jules Renard est né en 1864 dans le centre de la France, il s'est consacré entièrement à la littérature. Ses œuvres les plus célèbres demeurent "poil de carotte", "histoires naturelles" ainsi que le journal qu'il tint de 1887 à 1910.
Il s’agit ici d’un roman autobiographique, que chacun d’entre vous a probablement déjà lu ! L'auteur raconte son enfance, dans le Nivernais, il a entre sept et dix ans, sous forme de très courtes scènes.
Poil de carotte a un grand frère Félix, du genre poltron, une grande sœur Ernestine, imbue de sa personne, sa mère le persécute, parce qu'il est roux et qu'il a fait longtemps pipi au lit. Avec son père ça va bien, mais ce dernier est souvent absent...
Un grand plaisir de lecture !
Je me suis surpris quelques fois à sourire béatement et à essayer de faire un parallèle entre ce qu'il se passait il y a plus d'un siècle et maintenant ! Ce n'est plus le même monde, mais je pense qu'actuellement nous n'avons pas gagné sur tous les tableaux !
Beaucoup de petites réflexions savoureuses :
Madame Lepic ( c'est ainsi que poil de carotte nomme sa maman) :
" poil de carotte ! Je te prie de rire poliment ! C’est à dire en silence ! "
Un livre pour tous, à partir de 10 ans, mais il est probable que plus on est vieux et plus on l’apprécie...... idéal en cas de panne de lecture !
Morceaux d'histoires d'une enfance 8 étoiles

Poil de carotte, tout le monde (ou presque !) connaît. C’est un petit garçon aux cheveux roux, qui parce que roux, est un enfant martyr. Donc persécuté parce que différent. C’est dire si cette image est répandue dans la psyché collective française. Notamment par le fait que l’étude du livre « Poil de Carotte » fait partie du programme de français au collège.

Pour ma part, l’image que j’en avais préconçue était celle d’un petit garçon à l’enfance martyrisé, qui subit des mauvais traitements dans le village de province où il vit, à la fin du 19ème siècle ou au début du 20ème, simplement parce qu’il avait les cheveux rouges, et même orange de la couleur d’une carotte. C’est à peu près tout.

Mais voilà, aujourd’hui à 52 ans ( ! mais il n’y a pas d’âge pour lire un livre, quel qu’il soit), je l’ai enfin lu ! Et j’ai découvert une histoire dans sa version originale tout de même un peu différente de ce que je m’en imaginais. Certes, le Poil de carotte qui y est retracé est un enfant maltraité, mais n’est pas non plus l’enfant martyr que je croyais. Il se révèle aussi être un enfant dégourdi, roué, capable de menteries et même de cruauté envers les animaux. Son grand malheur à lui est de n’être pas aimé de sa mère, qui le lui fait bien voir et n’hésite pas à lui porter des coups, à lui remontrer, à l’humilier, à le manipuler. Pourquoi sa mère ne l’aime pas au point de le persécuter ainsi, l’auteur du roman ne le dit jamais clairement. Mais parce qu’il est roux, on attribue habituellement cette rousseur comme cause du désamour de sa mère. Pour ma part, cette cause me paraît un peu trop facile à assigner comme origine de la maltraitance maternelle. Pourquoi pas, mais en réalité le roman n’en dit rien là-dessus, juste que la mère n’aime pas son fils qui est roux, c’est tout. Il n’y a pas forcément de lien de cause à effet entre ces deux faits. Son autre malheur est celui d’avoir un père qui ne le protège pas suffisamment des injustes traitement de sa femme envers lui. Un père en apparence maître chez lui, comme un père devait l’être en ce temps-là dans les familles provinciales, mais qui en réalité est souvent absent, constamment en déplacement pour son travail (quel est-il, le roman ne le dit pas non plus), et qu’il préfère ne pas voir ce qui se passe sous son propre toit, ou s’il le voit, il intervient peu, par lâcheté et que c’est la mère la véritable régente de la famille, mère qui abuse de sa place dominante envers son fils et leur domestique. Les deux autres enfants du couple échappent (ou ont su échapper) à la vindicte de la mère. Seul Poil de carotte subit les brimades et les remontrances maternelles. À tel point que vers la fin du roman, Poil de carotte dira que cette mère ne l’aime pas et qu’il n’aime pas sa mère.

Triste histoire, donc, mais qui n’exclut pas l’humour, la tendresse propre à l’enfance et ses joies, car Poil de carotte, malgré tout ce qu’il subit, ne manque pas non plus de joies. Les baignades, les sorties de chasse avec son père, les jeux avec son frère, les soins attentionnés de sa sœur. Il y a aussi son parrain, personnage positif dans la vie de Poil de carotte. Malheureusement, il est aussi touché par l’influence mortifère de sa mère, et comme dans une extériorisation de la souffrance vécue à cause d’elle, fait souffrir à son tour d’autres êtres plus faibles que lui, les animaux. Il y a là, dans le roman, des scènes insoutenables sur le martyre infligé à des animaux. En ce sens, le roman évite l’image d’Épinal du pauvre garçon uniquement victime, et le montre capable d’être bourreau aussi.

C’est donc un portrait nuancé du petit héros que le roman montre, tel que l’auteur a eu l’intelligence d’éviter le manichéisme pour offrir un portrait contrasté et douloureux de son personnage principal, à ce qu’il semble un alter-ego de lui-même de sa propre enfance. Et il l’a fait avec une grande maestria malgré l’apparence décousue de la forme qu’il a donné à son roman qui le rendra célèbre. Tantôt historiettes, tantôt pièces de théâtre, tantôt mêmes de simples anecdotes, le tout forme un ensemble un peu déroutant. Mais il n’empêche pas qu’il y ait malgré ce récit en morceaux, une impression de continuité, où tout est lié. Et l’écriture est belle, plus prosateur que relaté et l’émotion s’en dégage facilement et on est touché par les différents morceaux du récit qui montrent des moments plus ou moins courts de la vie de Poil de carotte. On prend du plaisir à la lire et à la fin, une fois la dernière page refermée, on se dit : « voilà un excellent bouquin ». Et il est si court qu’une journée, une seule, peut suffire à le lire du début à la fin. Si court, mais qui renferme tout un monde de cœur, celui de Poil de carotte, de sa famille, et de l’univers dans lequel il vivait. Au final, une réussite, et qui n’étonne pas à ce qu’il soit devenu célèbre en son temps, et que cette célébrité ait perduré jusqu’à aujourd’hui, plus célèbre même que son propre auteur, Jules Renard, dont le renom est bien moins connu que celui de son illustre personnage qu’il aura pourtant tiré de lui-même.

Cédelor - Paris - 52 ans - 26 août 2024


Charlie Brown avant l'heure 8 étoiles

Souvent Poil de Carotte, allongé sur son lit, avant que sa vessie ou madame Lepic ne viennent le presser ou pincer sous les plis, que la pointe du jour en son œil ne le pique, songeait à sa maman qu’il n’appelait jamais de ce nom naturel que donnent les enfants qui tirent de leurs lèvres de nombreux baisers quand lui n’en peut tirer que des mots humiliants.
Il songeait à la soupe qu’un matin mesquin elle lui avait faite en guise de vengeance ; il songeait à Félix qu’un balai à la main protégeait à jamais des moindres remontrances ; il songeait à sa sœur, la si douce Ernestine, parfois ferme soutien, parfois triste complice ; il songeait à son père à l’œil qui se débine et qui de connivence quelquefois se plisse.
Il songeait à l’amour dont il pensait parfois que ses grêlons aux joues et sa réputation d’être un enfant méchant qui égorge les oies ne privent à jamais sa vie de la passion ; il songeait à Violone qui a mieux aimé Marceau aux joues rougies à sa propre pâleur ; il songeait à Mathilde et à sa pauvreté, à la promesse faite de lui faire honneur.
Il songeait à cela, à toute son enfance, aux bonheurs aussi rares qu’une primevère qui viendrait à fleurir de toute sa dépense sous les premières glaces d’un début d’hiver, aux malheurs bien nombreux qui venaient surtout d’elle, flattant son mauvais cœur de forces qui l’enivrent. Il songeait au moment où il devint rebelle. Il songeait qu’il devrait en tirer un bon livre.


C’est un récit d’enfance où se sent le mal-être du petit mal aimé qui vient à se convaincre que tout ce qu’il subit est mérité peut-être et qu’il ne peut rien faire pour espérer vaincre. Il me semble abattu, résigné, fataliste, et quand il a compris le piège de la soupe, loin d’en garder rancune il affirme simpliste : « Je m’en doutais » sans plus s’indigner de la troupe.
Par contre j’ai du mal avec la cruauté qui s’exprime parfois avec Poil de Carotte. Il blesse, éclope ou tue sans jamais regretter de nombreux animaux par fusil ou par botte, mais toujours cette scène est décrite sanglante sous des coups répétés et en plusieurs endroits, avec force détails, une vision sanglante qui me renverse et que je ne pardonne pas.
Il devient sur ce point le miroir de sa mère. Il soulage sa peine et puis sa frustration sur plus faible que lui et qui ne peut rien faire contre la toute la force de son agression. Sans s’alourdir dessus en mille explications, en peignant la victime sans démagogie qui va vers le bourreau par pure réaction, ce livre reste fin dans sa psychologie.
L’écriture par contre est quelque peu étrange en ce qu’elle résulte d’une hésitation sur la forme à choisir, optant pour un mélange qui va du romanesque en sa présentation pour virer subito au texte théâtral, cachant même parfois dans le chapitre « en chasse » quelques didascalies dans un « texte normal ». Mais ce n’est pas gênant : l’hésitation se passe.

Froidmont - Laon - 33 ans - 27 mars 2024


Le mal-aimé 5 étoiles

S’il fallait trouver du positif dans le(s) confinement(s), nul doute que les relectures en feraient partie. Ou presque.
Une première lecture qui devait être bien lointaine tant je n’avais pas gardé de souvenir de ce petit garçon et de sa mère, la détestable Me Lepic.
Mais autres temps, autres mœurs, (et heureusement !), les mésaventures de ce petit garçon ne me semblent plus que le reflet des us et coutumes de cette fin du XIX° siècle.
Ce qui ne change pas malheureusement, pour en avoir été témoin dans ma carrière, c’est la mise à distance, la différence qu’une mère est capable de faire envers un enfant roux.
Une lecture instructive mais qui ne m’a pas passionnée.

Marvic - Normandie - 66 ans - 4 mai 2021


Etre mal aimé ! 10 étoiles

Sous des dehors anecdotiques et froidement distanciés, les courtes scènes de cet ouvrage explicitent la terrible violence subie par un enfant détesté par celle dont il devrait tant attendre : sa mère ! Un père lâche et absent, des frère et soeur eux-mêmes heureux d'échapper à la virulence maternelle grâce à ce bouc émissaire , et Jules Renard (ancêtre d'Hervé Bazin ?) dans cette terrible auto-biographie, qui nous fait partager, sans pathos, la cruauté de dépendre entièrement d'un être méprisable et méprisant.
Une once de tendresse avec un parrain et des jours qui succèdent aux jours, dans la presque banalité de la férocité et de l'humiliation.
Comment Jules Renard a-t-il pu survivre à cette perversion quotidienne, ouf, il y a la résilience sans doute.....?
Une très belle oeuvre, toute en distance, douloureuse et cruelle, mais aussi, de par le devenir de son auteur, pleine d'espoir quant à la capacité à dépasser le pire.
A ne pas mettre entre les mains d'enfants, mais à lire par tout adulte qui veut connaître à défaut de comprendre !

DE GOUGE - Nantes - 68 ans - 10 avril 2013


Un très beau roman injustement méconnu ! 10 étoiles

Ce petit "roman" de l'enfance n'est pas un roman pour enfant !

Il nous conte l'enfance de l'auteur mal aimé de sa mère (car conçu certainement "par accident" par un couple désuni).
Ce qui est remarquable c'est que le livre ne cède jamais au pathétique. Au contraire, le style magique de Jules Renard tout en finesse, concision et poésie met en exergue la soif d'amour du jeune garçon avec humour et aussi avec poésie.
Le jeune héros n'est pas caricatural comme le sont parfois (souvent ?) les jeunes héros de Dickens. Il a aussi ses parts d'ombre, voire de noirceur.
De même, Poil de Carotte a aussi des moments de bonheur (même s'il sont rares) à travers la relation avec son père et avec son parrain ainsi que, parfois, avec son frère et sa soeur.
Une autre source de plaisir pour le héros (et pour nous aussi) est sa relation avec la nature (même s'il est parfois très cruel avec elle).
Le style détaché et plein de retenue de Jules Renard amène paradoxalement beaucoup d'émotion.

Je ne comprend pas pourquoi ce roman est caricaturé comme un roman pour la jeunesse (même s'il peut aussi être lu par de jeunes lecteurs) alors qu'il me semble ne pouvoir être réellement apprécié qu'à l'âge adulte.

JEANLEBLEU - Orange - 56 ans - 13 janvier 2011


Beaucoup d'émotions 9 étoiles

En lisant ce livre, je suis passée par beaucoup d'émotions: J'ai ri, j'ai pleuré, je me suis énervée quand Poil de carotte se faisait gronder....

Un bon petit roman à lire bien au chaud dans son lit !!!

;-)

Apolline - - 26 ans - 12 octobre 2010


Un classique ! 8 étoiles

Roman lu - une 1ère fois - lors de ma tendre jeunesse sur les bancs de l'école et relu récemment .
Ouvrage autobiographique où Jules Renard nous brosse un portrait acerbe et un brin amusant de son enfance .
Pas de la très grande littérature mais un classique à lire au moins une fois .

Frunny - PARIS - 59 ans - 1 mai 2010


Un peu étrange 5 étoiles

Tout de même, j'espère pour l'auteur qu'on lui a offert une psychanalyse gratuite après ça!!!
Bref, passons; ce livre est un soupçon gore, oui, oui le passage du chat, j'appelle pas ça autrement!
Sinon que dire de plus à part que c'est amusant, frivole! Mais qui pourrait créer des générations entières de psychopathes, moi je dis: BOUCLEZ VOS CHATS CHEZ VOUS!!

Elyria - - 33 ans - 29 mars 2006


Un brin ennuyeux 1 étoiles

Bien sûr il s'agit d'un classique, bien sûr c'est incontournable tout le monde a lu Poil de carotte... mais voilà moi je n'ai pas aimé. Peut-être que j'étais trop jeune. Certains épisodes étaient intéressants voire amusants à lire mais d'autres étaient terriblement ennuyeux...

Lolita - Bormes les mimosas - 38 ans - 5 janvier 2005


Pas un très bon souvenir 2 étoiles

Je l'ai lu au collège, en classe de 6ème et j'en garde plutôt un mauvais souvenir. Encore une histoire d'enfant persécuté. Je n'ai absolument pas ri, j'étais même parfois sur le point de pleurer, par exemple quand Mme Lepic se prend un hameçon dans le doigt. Cette histoire là était particulièrement cruelle et j'avais moitié envie de vomir.

Mademoiselle - - 37 ans - 22 décembre 2004