Les Effacées
de Bernard Minier

critiqué par Bookivore, le 8 avril 2024
(MENUCOURT - 42 ans)


La note:  étoiles
Lucia 2
Bernard Minier, de temps en temps, fait un écart dans son cycle consacré à son fameux héros le commissaire Martin Servaz. Il nous offre des one-shots, comme le fait Franck Thilliez. Son précédent one-shot, c'était en 2022, avec "Lucia", polar se passant intégralement en Espagne, pays que l'auteur connaît bien (mais, pensant à ses lecteurs qui ne connaissent peut-être pas aussi bien ce pays, il y mettait une carte du pays pour qu'on se repère géographiquement), et qui mettait en scène Lucia Guerrero, lieutenante du BCO, version Guardia Civil de la police criminelle. Tatouée, à fleur de peau, parfois borderline, elle y enquêtait sur une série de meurtres atroces, une des victimes n'étant autre que son co-équipier. Et elle se retrouvait avec une affaire qui s'entremêlait avec une autre, ancienne et non élucidée, de meurtres... Le roman était vraiment bon, il n'a apparemment pas convaincu tout le monde, mais personnellement, j'ai énormément aimé. Puis Minier a fait revenir son personnage phare de Servaz, l'an dernier, avec "Un Oeil dans la nuit", excellent cru, assez sombre, se passant dans le monde assez fermé du cinéma horrifique.

Son nouveau roman, son douzième par ailleurs, vient de sortir : "Les Effacées". Avec ce nouveau cru, assez court (malgré l'épaisseur du livre, il ne fait que 400 pages, et se lit comme une notule de faits divers tellement ça file), Minier nous offre un nouveau one-shot. En fait, il nous offre la suite de "Lucia", et fait donc de ce personnage d'écorchée vive un nouveau personnage phare, car nul doute qu'il nous offrira d'autres thriller la mettant en scène (et, pourquoi pas, qui sait, un crossover dans lequel Servaz et Lucia se rencontrent et font enquête commune ; après tout, le périmètre de juridiction de Servaz est la région pyrénéenne, pas super loin de l'Espagne). Je l'espère en tout cas.

Dans "Les Effacées" (notons qu'il n'est pas obligatoire d'avoir lu "Lucia" pour apprécier ce roman, l'intrigue y est indépendante, peu de rappels de l'intrigue de "Lucia" ici), Lucia enquête, en Galice (région du nord de l'Espagne, dans laquelle se trouve Saint-Jacques-de-Compostelle), sur une série de meurtres, des jeunes femmes qui n'ont, entre elles, qu'un point commun : ce sont des travailleuses, des femmes du peuple, ordinaires, sans histoires. Toutes sont tuées après avoir été séquestrées, pendant une bonne semaine, par leur assassin. Alors qu'elle semble à deux doigts, avec son collègue local Arias, de choper le tueur, elle est rappelée par son supérieur pour rentrer à Madrid, enquêter sur un meurtre atroce perpétré sur une femme de la jet-set. A côté de son corps, la mention "tuons les riches". Bientôt, un autre meurtre, avec un modus operandi différent mis à part la phrase, est commis sur un héritier et jetsetteur à la réputation sulfureuse.

Enervée de devoir abandonner une enquête pour en mener une autre, soupçonnant des pressions politiques et n'appréciant pas ce genre de justice à deux vitesses (du genre "on ne touche pas aux riches, c'est pas bien ; on peut tuer les pauvres, mais pas les riches"), Lucia va mener, à contrecoeur, son enquête... jusqu'à ce qu'elle reçoive des mails curieux, violents, diffamants, menaçants, à son encontre. L'enquête va la mener au bord du précipice, mise en avant comme jamais, menacée par on ne sait qui, tandis que l'opinion publique semble prendre fait et cause pour le tueur de riches, sorte de Robin des Bois extrémiste... Parallèlement, Arias, son collègue de Galice, continue, seul, l'enquête sur la traque du tueur de travailleuses, et tient Lucia au jus...

Un excellent roman, du même niveau que "Lucia", personnage que l'on apprend à aimer de plus en plus au fil des pages. Comme pour le précédent opus la concernant, Minier a inséré une carte (deux, en fait) de l'Espagne, afin que le lecteur se repère en ce qui concerne les lieux de l'action, ou plutôt, des actions, ce roman proposant deux intrigues, deux tueurs, deux enquêtes. Même si la fin semble (comme pour "Lucia", d'ailleurs !) un peu expédiée, la faute sans doute à un nombre de pages assez peu étendu (400 pages, ce n'est clairement pas assez, 450 pages aurait été sans doute préférable), ce roman est un très bon thriller.