N.N. 12
de Gracia Morales

critiqué par Alma, le 30 mars 2024
( - - ans)


La note:  étoiles
Les victimes et le bourreau
N.N. 12 : un titre étrange , désignant le nom donné à une des 12 dépouilles trouvées dans une fosse commune où étaient déposées les squelettes de personnes exécutées d'une balle dans la tête, 27 années auparavant

Un texte de théâtre pour 4 comédiens , dans un décor dépouillé .

Un plateau divisé en deux zones grâce à des projecteurs
Dans la plus grande : le laboratoire d'un médecin légiste, 3 personnages :
- une femme de 32 ans, médecin légiste , qui tente d'identifier le corps dont le squelette est posé devant elle sur une longue table, projetant et commentant des images qui s'y rapportent .
- NN 12 : personnage présent sous deux formes : celle du squelette et celle d'une comédienne incarnant la femme que fut NN12 avant sa mort dans un camp, et dont on a a fini par découvrir l'identité : Patricia Lujan Alvarés
- Esteban : 27 ans, fils de N. N .12, né dans un camp des étreintes contraintes entre celle-ci et son geôlier et bourreau, puis élevé en orphelinat, auquel on a toujours déclaré qu'il était né de parents inconnus .

Dans la zone plus restreinte , moins éclairée
- un homme de 62 ans : le Capitaine Ernesto, geôlier de N.N.12 et géniteur d'Esteban, vu de dos, à son bureau, consultant des feuillets.

Le spectacle en 16 scènes permet de reconstituer progressivement le drame qu'a vécu Patricia Lujan Alvarés, jeune espagnole dans les prisons franquistes, objet sexuel asservi aux pulsions de son geôlier, celui aussi de son fils .
Il permet aussi de prendre conscience de la mauvaise foi avec laquelle le capitaine Ernesto cherche à se disculper
Plus largement il évoque aussi pour le spectateur le sort réservé aux femmes dans la plupart des régimes dictatoriaux, en Europe, comme sur d'autres continents.

La découverte du texte de cette œuvre théâtrale fut pour moi une lecture éprouvante, par la froideur de l'enquête médico-légale, par la cruauté de son sujet, par la parole de Patricia, violente, inorganisée, par laquelle elle se décharge de ses blessures. J'ajoute à cela de longues et nombreuses phrases ou paragraphes de didascalies, qui brisent le rythme de la lecture.
Toutefois , ce fut aussi une découverte marquante
Le bourreau et sa victime sont ici incarnés, ils ont un nom, un visage , une voix ... .

Une découverte marquante et utile car , ne l'oublions pas …..si la dictature militaire et le fascisme n'ont plus cours en Espagne, « Le ventre est encore fécond, d'où a surgi la bête immonde », comme l'écrivait Bertold Brecht .

Merci à Babelio de m'avoir permis de découvrir cette œuvre, dans le cadre de Masse critique