L'oiseau bleu d'Erzeroum - tome 1
de Ian Manook

critiqué par Tistou, le 7 mars 2024
( - 68 ans)


La note:  étoiles
Deux petites filles rescapées du génocide arménien
Manook est un pseudo d’écrivain de Patrick Manoukian, arménien d’origine, qui a entendu dans son enfance ce que racontait sa grand-mère, qui avait échappé au génocide, et qui utilise ce fond historique familial pour nous brosser la saga d’Araxie et Haïganouch, petites filles de 10 et 6 ans, qui échappent par miracle au massacre des Arméniens soigneusement planifié et mis en œuvre par les Turcs.

Ceci est l’histoire romancée de mes grands-parents, à partir du récit que ma grand-mère n’a jamais pu achever, tant l’horreur de ce qu’elle avait vécu finissait de l’étrangler de sanglots. Pour sa mémoire, et celle de toutes les autres victimes, je n’ai pas voulu occulter la violence du génocide dans le temps. La déportation d’Araxie a duré plus de six mois, et je lui ai accordé le nombre de pages qui me semblait juste pour en témoigner. »

On navigue ainsi de 1915 à 1939, passant de l’Arménie turque à la Syrie, de l’Allemagne où le parti nazi est en train de naître au Liban, et en France et en Russie.
Ca commence très durement (il est question de génocide quand même et Ian Manook le met en scène)

»Mais sur la colline un cheval se cabre et Gaïanée reconnaît le fez d’un tchété. Déjà les trois pillards dévalent la pente au galop, sabre au clair. Elle hurle aux filles de se cacher dans les blés et se saisit d’une fourche, mais le premier cavalier est déjà sur la petite Haïganouch. Cours, Haïganouch, cours ! Le cheval fond sur l’enfant comme un dragon. Elle ne voit pas l’homme au torse bardé de cartouchières sous lesquelles sont glissées deux poignards. Elle ne voit que les yeux fous de la monture, l’écume au mors, ses dents jaunes comme des pierres, et les naseaux dilatés par la course. La lame dessine dans le ciel un grand soleil rond que l’enfant regarde, pétrifiée, et l’homme l’abat sur la tête d’Haïganouch au moment même où la fourche de Gaïanée se fiche dans ses côtes. »

Puis le roman coule vers un mode « saga », pour observer comment une jeune immigrante arménienne peut « faire son trou » en France, la France de l’avant-guerre. C’est alors une rupture de rythme très conséquente. Trop ?
En tout cas, si Ian Manook voulait donner un coup de projecteur sur ce terrible génocide toujours nié par les Turcs, c’est réussi. Il voulait rendre hommage à la résilience de sa grand-mère, c’est réussi aussi.