American Mother
de Diane Foley, Colum McCann

critiqué par Saint Jean-Baptiste, le 22 juillet 2024
(Ottignies - 88 ans)


La note:  étoiles
Témoignage et plaidoyer
Ce livre raconte une histoire authentique, récente, connue de l’Amérique entière et résumée au début du livre. Une mère raconte son épreuve : son fils journaliste de terrain a été retenu en otage en Syrie par les terroristes de Daech. Il pourrait être libéré contre rançon mais on sait que les Américains, contrairement aux Européens, ne cèdent jamais au chantage. Il a été assassiné après avoir été odieusement torturé. Des vidéos de Daech sont passées dans les médias, la mère les a vues et se lance dans un plaidoyer contre l’Administration américaine et contre les lois de l’armée qui refusent de payer la rançon.

La première partie du livre est courte mais stupéfiante. Cette maman veut voir le bourreau de son fils, qui a été jugé et condamné à vie. Elle veut savoir ce qui pousse un homme intelligent et instruit à jouir de la souffrance d’un innocent. Cette rencontre a un côté surréaliste à vous donner la chair de poule !
Dans la deuxième partie, la maman parle de son fils, de sa vie, de sa passion pour son métier et de ses reportages de terrain dans la guerre en Irak puis en Syrie. Son témoignage est émouvant à vous porter les larmes aux yeux. Bien entendu, elle idéalise son fils mais c’est bien écrit, c’est passionné et c’est édifiant. Son témoignage se double d’un plaidoyer pour que soient libérés tous les otages de Daech. Et là, il y a à boire et à manger, c’est une maman d’un fils supplicié qui parle, elle est, en quelque sorte, juge et partie.
Tant que son fils était en vie, elle a remué ciel et terre, elle a plaidé, elle a parlé dans les médias, elle a même rencontré trois fois le Président Obama. Entre parenthèses, elle s’indigne parce que, après un entretien, Obama est allé jouer une partie de golf. Mais on la comprend, quelle maman ne serait pas hors d’elle si elle savait qu’on pourrait sauver son fils, simplement en versant une somme d’argent ! L’argent on l’a, dit-elle, il sert à acheter des armes, des drones, des avions de chasse… et on ne l’a pas pour sauver une vie ! Elle cite les arguments contradictoires : « verser la rançon serait encourager les prises d’otages et notre argent servirait à acheter des armes qui seraient tournées contre nos soldats », mais elle les réfute avec fougue et intelligence et, de nouveau on la comprend, c’est une maman qui veut sauver son fils. Le lecteur en sort complètement chamboulé et chacun jugera selon sa conscience ce qu’il aurait décidé ; mais, pour rien au monde, je ne voudrais être celui qui devrait prendre la décision.
Dans la troisième partie, beaucoup plus courte, la maman nous dit qu’elle a voulu revoir le bourreau de son fils une deuxième fois, et c’est bouleversant autant qu’incompréhensible. On se demande si cette femme n’est pas un cas pathologique, une personne qui cherche à se faire souffrir. Mais c’est peut-être aussi une sainte, une personne qui ne veut pas vivre dans la haine, qui veut comprendre, et qui, peut-être même, voudrait pardonner.

Quoi qu’il en soit, cette maman est bouleversante et l’auteur du livre a parfaitement rendu sa pensée. Son message se lit facilement et pourtant il est terrible ! Ce livre est plus qu’un témoignage et un plaidoyer d’une mère qui a perdu son fils. C’est aussi l’horreur des prises d’otages que nous sommes appelés à vivre en direct et toute l’atrocité des chantages qui s’ensuivent que nous sommes appelés à juger.