Sonder l'insondable
de Bernard Besret

critiqué par Débézed, le 7 décembre 2023
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
Un vide plein d'informations
Bernard (nom sous lequel il a été accueilli dans l’ordre des Cisterciens) Besret est un moine qui s’est éloigné de la doctrine de l’église après une longue réflexion qui l’a rapproché du taoïsme auquel il adhère désormais. En 2017, Il a auto-édité son testament spirituel, juste avant de connaître une grave maladie qui a entraîné une amputation d’une jambe, dans lequel il développe 9 propositions sur la mort et son au-delà. Le présent ouvrage est rédigé sous la forme d’un commentaire aux propositions développées dans le testament cité ci-dessus : « Et la mort comme le jour illumine, 9 propositions sur la mort et son au-delà ». Bernard Besret développe dans cet opus plus particulièrement le concept de « Vide plein de potentialité » ou encore de « Vide plein d’informations ». Son objectif final étant de mettre des mots sur la vision de la mort pour la rendre moins mystérieuse, moins difficile à appréhender pour tous ceux qui y réfléchissent sérieusement.

Dans cette réflexion spirituelle, il cite tous ceux qui l’ont inspiré et l’ont aidé à tracer son chemin de vie et de spiritualité : Lao Zi, les auteurs des Upanishad, Aristote, Maître Eckhart, Leibnitz et surtout Aldous Huxley. L’éventail est large et diversifié, les influences sont très variées. Après de longues années de méditation dans un monastère cistercien, de nombreux voyages, de nombreuses rencontres, de nombreux échanges, il a conclu que les trois religions monothéistes étaient fondées sur des textes dogmatiques auxquels on ne pouvait accorder aucun crédit. On ne connait pas suffisamment bien l’origine de la Thora, du Nouveau testament et du Coran pour leur accorder une foi sans faille. La science elle-même ne parvient pas à élaborer une théorie qui pourrait expliquer les mystères de l’infiniment petit en même temps que ceux de l’infiniment grand. Les sensations auxquelles certains se réfèrent montrent les mêmes limites, il cherche donc des pistes ailleurs…

Chaque page de ce petit ouvrage, extrêmement condensé, pourrait faire l’objet d’une longue dissertation tant il est riche d’idées, de réflexions, de citations, de références, de constats, de réfutations, … Je me suis donc concentré sur les propos les plus largement exposés, ceux aussi auxquels je suis le plus sensible. Ces questions m’ont plus particulièrement interpellé : « Pourquoi moi ? » « Pourquoi quelque chose plutôt que rien (empruntée à Leibnitz) ? » Quels sont les fondements du réel, du temps avant le temps ? Quelle est l’origine de la conscience ? Et si le monde n’était qu’information ? Besret creuse cette piste et émet l’idée que «Tout est information » que le monde n’est qu’un grand vide plein d’informations, d’un potentiel qu’on ignore encore…

Une autre idée m’a aussi beaucoup intéressé car je l’ai déjà entendue dans une autre vie, dans d‘autres circonstances. Besret, au monastère de Boden, a écouté son père supérieur lui enseigner que la vie n’était qu’une question de choix qui s’avèrent définitifs quand on les faits. Ces choix peuvent parfois paraître anodins mais ils conditionnent l’ensemble de notre futur et peut-être aussi celui d’autres. Je me souviens d’avoir entendu la démonstration de cette théorie dans la bouche de l’un des prestataires de services de mon institution qui fournissait aussi certaines prestations à l’Abbaye cistercienne d’Acey, en Franche-Comté. Ce prestataire me confiait qu’il avait eu l‘immense privilège de partager un repas avec le Père Abbé (Don Nivard Bader) de cet abbaye et qu’il lui avait exposé cette théorie qui spécifie que toute notre vie est conditionnée par seulement quelques choix faits à u certain moment. Avec cette lecture, cette conversation qui date des années soixante-dix, je pense, est remontée à ma mémoire…

Pour construire une analyse plus complète de ce texte, il faudrait avoir lu celui qu’il commente, le testament spirituel de Bernard Besret, mais quelques grandes idées se dégagent de cette réflexion et de nombreux points sont repris pour en préciser la vision de l’auteur. Je retiendrai particulièrement le doute qu’il manifeste à l’endroit des religions monothéistes, son peu de confiance en la science, les limites de la spiritualité qu’il ressent, ce qu’il l’amène à formuler da théorie d’un univers « Vide plein d’informations ». Ce vide qui pourrait être le monde insondable qu’il se propose de sonder.

Et pour conclure, je citerai Bernard Besret lui-même : « Il n’y a pas de pré-destination « parce qu’il n’y a pas de « pré-existence. Encore une fois, « Il n’y a pas de temps avant le temps ».