Quelqu'un va venir / Le Fils
de Jon Fosse

critiqué par Septularisen, le 5 décembre 2023
( - - ans)


La note:  étoiles
L’HÉRITIER DE SAMUEL BECKETT.
«Quelqu’un va venir» et «Le Fils» sont deux très courtes pièces de théâtre du dramaturge norvégien et Prix Nobel de Littérature: Jon Olav FOSSE (*1959).

«Quelqu’un va venir», est une pièce en sept tableaux, qui se passe entièrement dans le même lieu, à savoir les différentes pièces de la vieille masure qu'un couple vient de racheter au jeune voisin.

Au début de la pièce, nous faisons la connaissance d’un couple d’âge différent, (il a la cinquantaine et elle la trentaine…), qui vient tout juste d’acheter une vieille maison, très isolée, au bord de la mer. Très vite la solitude et l’isolement, qu’ils recherchaient pourtant pour vivre tranquillement et seuls, leur amour, commencent à leur peser et à les obséder.

C’est alors que leur voisin, - qui est celui qui leur a vendu la vieille maison de ses grands-parents -, apparaît et ne cesse de les importuner, troublant leur solitude de sa présence fantomatique…

Dans «Le Fils», un couple de personnes âgées vit seul dans une maison isolée, dans ce qui paraît être un village abandonné, tous les jeunes étant partis «à la ville» pour trouver du travail. On devine que l’action se passe en Norvège, même si ce ce n’est jamais formellement précisé dans la pièce.

Au début de l’histoire, nous sommes en plein hiver, il fait quasiment nuit tout le temps, et il n’y a plus qu’une seule lumière dans le village, celle de la maison du voisin. Nous sommes dans le salon du couple, dont nous ne saurons d’ailleurs jamais le nom et qui sont toujours désignés par «Le père» et «La mère».
Alors qu’ils sont en train de regarder par la fenêtre, ils voient deux personnes arriver du car qui viens de la ville. L’un deux est le voisin, l’autre est leur fils, parti de la maison sans prévenir il y a de nombreuses années, et qui n’a plus jamais donné de nouvelles depuis…

Si dans un premier temps, les parents sont tout à la joie de retrouver leurs fils, l'arrivée du voisin, - un vieil homme veuf, alcoolique et très malade -, va définitivement gâcher les retrouvailles... En effet, celui-ci prétend que si le fils n’a plus donné de nouvelles depuis tant d’années, ce qu’il était en prison pour vol…

Comme toujours avec M. FOSSE, il n’y a que très peu de personnages (ici, trois dans chaque pièce), ils sont à peine décrits et n’ont pas de nom, - comme si l’auteur ne voulais pas les reconnaître, ou ne pas les faire reconnaître par les spectateurs -, ils ne sont désignés que par des pronoms personnels, ou des noms généraux, comme p. ex. le père, le fils, le voisin…
Le lieu de l’intrigue est unique et l’intrigue elle-même est réduite au minimum. Ce sont des situations basiques qui «dérapent», tout doucement, sans que l’on s’en aperçoive vraiment. La situation de départ «dégénère» tout doucement, et à la fin se retrouve dans une situation abyssale, sans aucun espoir d’en sortir…

C’est écrit dans une langue simple, facile à lire, dépouillée (épurée?) de tout ce qui n'est pas indispensable, on pourrait dire minimaliste, avec des phrases très courtes (quelquefois juste deux, trois mots…), qui créent un climat oppressant, très particulier, froid, trouble, très noir… Et fait très curieux: il n’y a pas de ponctuation! C’est donc à vous de «placer» les points, les virgules, et autres points d’interrogation et d’exclamation, selon votre «bon vouloir»…
C’est une ambiance très stylisée, un rythme très particulier, sec, très haché, avec des phrases très courtes, et des longs silences qui s’intercalent dans les dialogues entre les personnages.

Que dire de plus? Comme toujours d’ailleurs dans le théâtre de l’absurde, le manque de communication, entre les personnages est un des thèmes qui revient le plus souvent. C’est lent, répétitif, et il ne se passe pas grand-chose, tout étant dans les non-dits et dans le silence... C'est un théâtre difficile à décrire avec des mots dans une courte recension, mais, pour ceux qui ont déjà vu une représentation d’une pièce de Samuel BECKETT (1906 – 1989), cela y ressemble à s’y méprendre…

Est-ce que je conseille la lecture de ce livre? Oui, sans aucun doute! Surtout si vous aimez lire du théâtre (éventuellement avant d’aller voir une représentation de la pièce…), ou que vous voulez découvrir l’écriture du dramaturge norvégien contemporain le plus joué dans le monde, qui est ici vraiment dans son «pré carré».

Pour ceux qui voudraient en savoir plus, voici un extrait de "Quelqu'un va venir".
Dans une mise en scène de Michel TALLARON. Avec Emilie WEISS, Christian DEVÈZE et Loïc RISSER. Verrière des Cordeliers, Sainte Colombe, octobre 2009. Vidéo Bertrand LOUIS.

Ici sur YouTube : https://www.youtube.com/watch?v=LrYFj3UIGrE

Rappelons que M. Jon FOSSE est lauréat du Prix Brage 2005 (le plus prestigieux des prix littéraires norvégiens, l’équivalent du Prix Goncourt en France), le Prix Nordique de l’Académie Suédoise en 2007, le Prix Européen de Littérature en 2014, le Grand Prix de Littérature du Conseil Nordique 2015, et du Prix Nobel de Littérature 2023.