Zdenek Adamec: Une scène
de Peter Handke

critiqué par Septularisen, le 28 novembre 2023
( - - ans)


La note:  étoiles
THÉÂTRE DE L’ABSURDE PAR PETER HANDKE!..
Le jeudi 6 mars 2003, à 08 h 00 - suivant le tragique «exemple» de Jan PALACH (1948 – 1969) et de Jan ZAJÍC (1950 – 1969) qui s’immolèrent par le feu en 1968, sur la Place Wenceslas à Prague (République Tchèque), pour protester contre l’invasion de leur pays par les chars soviétiques -, un étudiant de 19 ans, Zdenek ADAMEC (1984 – 2003), s’immola par le feu, après s’être aspergé d’essence sur cette même place, devant le Musée national Tchèque…

L'affaire a suscité un intérêt inhabituel de la part des médias et des hommes politiques de la République Tchèque, car cet acte n’avait pas vraiment de sens. En effet, si les prédécesseurs tragiquement disparus un quart de siècle plus tôt avaient une «raison» de sacrifier leurs vie ainsi, la question se posait de savoir qu’est-ce qui avait «motivé» ce jeune étudiant, blond aux cheveux courts, militant écologiste, très bon élève, très intelligent, très cultivé, solitaire et timide, à commettre l’irréparable? Lui qui étudiait l’informatique et rêvait de devenir magicien…

Zdenek ADAMEC avait laissé une lettre d’adieu, où il dénonçait pêle-mêle la société de consommation, le consumérisme, le capitalisme débridé, le mécontentement à l'égard de l'ordre social, l'agression américaine en Irak, et le mauvais état de la société…

A partir de cette histoire vraie, et des quelques bribes de détails qui en sont connus, Peter HANDKE (*1942, Prix Nobel de Littérature 2019), nous raconte les dernières heures de vie de ce jeune homme, venu par autobus de Humpolec, sa ville natale, avec un sac à dos chargé d’un bidon de cinq litres d’essence et d’une boîte d’allumettes…

L’auteur s’arrête aussi particulièrement sur les réactions qui suivirent la mort du jeune homme. Celles des gens, celles des habitants de sa ville de résidence, celle des journaux Tchèques et des gazettes internationales, celles des commentateurs et autres journalistes de la télévision, celle des experts et autres psychiatres…
Particulièrement mise en exergue par l’écrivain, la réaction considérée comme «cynique», du président Tchèque de l’époque, Václav KLAUS (*1941), qui n’hésitera pas à déclarer : «Pour changer quelque chose, il faut rester en vie. Une telle manifestation est non nécessaire et non appropriée»…

Que dire de plus? Comme le titre l'indique c'est donc une pièce en une seule scène. Cela ressemble à s’y méprendre au théâtre de l’absurde de l’autre Prix Nobel de littérature, Samuel BECKETT (1906 – 1989) (1). Il y a même un décor minimaliste, des personnages sans nom, sans identité et sans âge, absolument pas définis aux yeux du spectateur et un profond pessimisme face à la condition humaine, comme chez le dramaturge irlandais.

C’est économe de mots, de situations, de discours… C’est très court (moins de soixante-dix pages…) et donc cela se lit très vite et très facilement… Cela se présente un peu comme un dialogue entre les différents personnages qui nous parlent de Zdenek. C’est une très belle pièce de théâtre et malgré sa brièveté, c’est très bien écrit, et il ne faut pas hésiter à lire le tout très attentivement, chaque phrase compte, chaque mot compte…

Est-ce que je conseille la lecture de cette pièce de théâtre? Si vous aimez lire de la dramaturgie et plus spécialement le théâtre de l’absurde, alors… Oui, sans aucune restriction.
Si par contre vous voulez découvrir l’œuvre et l'écriture si particulière de l’auteur autrichien, alors, là c’est plutôt… Non! Ce n’est pas assez représentatif de son talent et de son style d’écriture… Je conseille plutôt de commencer par un de ses courts romans, ou bien un de ses courts essais…

(1) : Cf. sa page ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vauteur/363