Nouvelle-France
de Pierre Billon

critiqué par Libris québécis, le 29 novembre 2004
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Une sorcière québécoise du 18e siècle
Pierre Billon participe souvent à l'écriture de scénarios de films québécois. Il avait écrit celui d'Un homme et son péché tiré du roman de Claude-Henri Grignon. Quant à celui de Nouvelle-France, il a écrit un texte inspiré fortement d'un événement historique qui remonte aux années 1760. Sans preuves suffisantes, on a condamné à la potence Marie-Josephte Corrivaux pour avoir tué son mari. Elle n’est pas la seule victime d’un système judiciaire partisan. Cordélia Viau, Louis Riel, les nationalistes du 19e siècle ont tous été pendus après un procès sommaire qui n’a pas établi la responsabilité des actes dont on les a accusés.

Nouvelle-France est un film que l’auteur du scénario a déguisé en roman. La forme dérivée est supérieure à l’œuvre cinématographique. C’est bien écrit et instructif. L’auteur nous raconte donc l’histoire de Marie Carignan, une jeune femme de Québec, qui a épousé l’ami de son amant, un certain Le Gardeur, parti en France pour solliciter l’aide de Voltaire et de Madame de Pompadour afin que le roi protège davantage sa colonie d’outre-mer. Sa mission fut prise de court par l’invasion de Québec en 1759 par le général Wolfe, obligeant ainsi la France à céder ses « quelques arpents de neige » contre La Martinique et quelques autres îles des Caraïbes.

Cette toile historique sert de prétexte pour rapporter les malheurs de l’héroïne aux prises avec un mari violent, alcoolique et violeur. En se mariant, elle croyait assurer sa sécurité dans une colonie aux mœurs plus que libérales. Les femmes de l’époque étaient souvent victimes de la conduite libidineuse des curés et des administrateurs corrompus qui exigeaient des redevances plus élevées que la capacité de payer des colons. C’est dans ce contexte qu’a vécu Marie Carignan, une femme simple, qui ne sollicitait de la vie qu’un peu d’amour et quelque argent pour subsister. Malheureusement pour elle, la vente de produits inspirés de la science des Indiens, avec lesquels elle entretenait des rapports étroits au point de parler leur langue, contribua à sa réputation de sorcière. Il n’en fallait pas plus pour qu’on l’expose à la vue de tous dans une cage de métal après l’avoir pendue.

Cette histoire est fort captivante. Hélas, afin de s’adresser au plus vaste auditoire possible, le film s’inspire des productions qui diluent leur matériel dans un flot de sensibleries. On recourt à une musique sirupeuse pour accentuer les faits et gestes posés dans des décors bucoliques qui font perdre finalement la gravité de ce qui se déroule. Et comme pour le Titanic, on a demandé à Céline Dion d’interpréter une chanson larmoyante pour accompagner le générique de la fin. L’originalité n’a pas conduit la réalisation. On a choisi le parti pris de montrer que le cinéma québécois est capable de rivaliser avec les grosses productions d’ailleurs.

Outre cette voie discutable et racoleuse, on peut signaler le caractère brouillon de l’œuvre. La trame se traîne pendant les deux tiers du film avant que le réalisateur aborde son histoire d’amour malheureux. Quand nous saisissons son projet s’amènent les violons devant susciter nos larmes, qui n’arrivent pas à couler malgré les efforts déployés pour que nous nous apitoyions sur le sort d’une femme victime de la jalousie et de la bêtise humaine. Si le sujet intéresse, on est mieux servi par La Fiancée du vent de Monique Pariseau, dont on peut lire un avis sur CL. Cependant on peut être agacés par cette œuvre qui raconte l’histoire de la Corrivaux sous un angle féministe. Mieux ça qu’une absence de point de vue.
Instructif et émouvant 8 étoiles

Ce roman publié en 2004 par Pierre Billon raconte une bouleversante histoire d’amour, à travers l’histoire de la Nouvelle-France. Pour celle-ci, l’auteur a gardé certaines circonstances attachées à l’époque et les noms des personnages. J’ai constaté qu’en 1756-60 ce n’est pas les Anglais, les pires ennemis des Canadiens c’est la France qui a abandonné le Canada. Coïncidant avec la guerre de cent ans en Europe, il manquait de renforts pour la Nouvelle-France. L’argent manque pour épancher toutes ces dépenses. Le gouverneur Vaudreuil, désireux d’éviter un massacre des habitants, signa, à Montréal, le 8 septembre 1760, la capitulation de la colonie qui passa sous administration britannique.

Pendant cette guerre, il survient une histoire d’amour entre la libre Marie-Loup Carignan et l’agile François Le Gardeur. Celui-ci est parti rencontrer Voltaire et Madame de Pompadour pour que la France envoie des renforts à sa colonie assiégée. François écrit une lettre à Marie-Loup, la suppliant de l’accompagner pour le voyage. Ne sachant pas lire, elle demande au Curé Blondeau de le faire, mais lui, épris d’elle secrètement, inventera une lettre d’adieu. Pour assurer sa sécurité, elle décide à contrecoeur de se marier avec Maillard, homme alcoolique et violent. Mais voilà que François revient et les deux amants projettent de s’enfuir. Puis arrive, soudainement, la mort violente de Maillard et Marie-Loup est accusée, sans preuve, et condamnée à la pendaison.

C’est un roman intelligent, très bien écrit. L’auteur a réussi à m’émouvoir avec l’histoire captivante des amoureux. En passant, j’ai préféré de beaucoup le livre à l’œuvre cinématographique, pour la poésie de l’auteur et l’émotivité de certains passages importants qu’on ne ressent pas dans le film.
La fin que je ne raconterai pas est très prenante. J’ai tellement aimé ce livre que je le recommande fortement à tous.

Saumar - Montréal - 90 ans - 12 septembre 2010