Quand j'ai quitté l'île Népawa
de Julien Pelletier

critiqué par Alma, le 19 octobre 2023
( - - ans)


La note:  étoiles
L'ascension professionnelle et sociale d'un « déplacé social »
Un récit autobiographique en une succession de tableaux clairs , brefs, numérotés .
Il présente le parcours de vie  de l'auteur : Julien Pelletier né en 1953 dans l'île Népawa, fils aîné d'une famille pauvre de 8 enfants de Canadiens Français dont le père est illettré, devenu titulaire d'un doctorat d'université.
La belle ascension professionnelle et sociale d'un transfuge de classe « déplacé social » qui tout au long de sa vie, n'a rien demandé à personne et qui depuis son enfance, a enchaîné des petits boulots pour survivre, ne refusant pas les travaux pénibles ou dangereux , habitué à toujours « endurer »

Adolescent à « l'esprit rebelle,» il commis, certes, quelques larcins, a touché à la drogue, connu la prison, la galère des marginaux , la contre-culture mais s'est ouvert au savoir grâce à la lecture.

S 'il a eu la chance de rencontrer différents « mentors », il a su rester «  léger, libre, disponible » pour partir à l'aventure à travers la France, et différents pays d'Europe, puis en Inde, vivant dans un ashram . « Je suis un vagabond qui se cultive, voyage, fait des rencontres, flâne, libre de son temps »
Un arpenteur du monde, un homme aux semelles de vent, en quelque sorte , mais qui a su échapper au destin tragique de Rimbaud ….

Plusieurs années d'une odyssée spirituelle, d'un long voyage initiatique, avant de revenir au pays à 27 ans, retrouver famille et amis et chercher à s'intégrer socialement. Il entame des études supérieures à Québec qui le mèneront à préparer une thèse, à enseigner en université puis à devenir en France expert de la qualité de vie au travail reconnu dans le milieu international .

C'est là qu'il rencontre Paul Bouffartigue, le rédacteur de la postface, son ami qui l'a incité à rédiger cet ouvrage « autosociobiographique ». Une postface de 10 pages qui analyse finement le parcours atypique de Julien Pelletier , ainsi ce que celui -ci doit à sa mère Julienne. Julienne à laquelle d'ailleurs Julien a dédié son récit...

Si, dans la dernière partie, je me suis sentie parfois perdue parmi les nombreux sigles renvoyant à l'univers de la gestion du travail, j'ai beaucoup aimé ce récit d'initiation, rédigé au présent et à la première personne, clair, sobre, sans effet de style, traduisant une volonté d'être au plus prêt de la réalité vécue .
Il sonne juste et vrai .

J'ajouterai que j'ai aussi apprécié de trouver en exergue de chacune des 5 parties de l'ouvrage une phrase tirée des chansons d'interprètes connus comme Felix Leclerc et Richard Desjardins , de même qu'un glossaire et un ensemble de notes explicatives à caractère historique et géographique .
une traversée initiatique de la vie 7 étoiles

Quand j'ai quitté l'île Népawa


L'auteur a fait le voyage inverse de celui que, naguère, il y a bien longtemps, ses ancêtres ont entrepris.
Partis d'Europe, de France, ils sont arrivés au Canada pour y faire carrière, alors que lui, enfant pauvre né sur une île québecoise, il va partir, parcourir le monde pour se « réinstaller » en France .
Enfant, aîné d'une fratrie, il va connaître la misère auprès d'un père aimant à sa façon mais quelque peu alcoolique et parfois violent.
Comme d'autres enfants de sa génération, il va connaître les interrogations, le choc de la fin des années 60, la soif de l'aventure et des ruptures.
Il va quitter sa famille, tout en gardant le contact avec sa mère pour parcourir le monde, épouser tous les métiers du monde et notamment les plus difficiles.
Il va fréquenter des sectes mais faire de belles rencontres amoureuses et amicales.
Le monde est et était son univers.Comme il explique lui-même tout en relatant son périple : « Chaque chapitre de ma vie semble une confrontation à l'histoire et au monde social traversé. Je sors meurtri de ces affrontements, mais jamais détruit. »
Il va errer, douter sans jamais baisser la garde.
Sa traversée atypique, initiatique, du monde va le transformer, l'enrichir et l'aider à se construire.
Il revient, fait des études, passe un doctorat, construit une famille et va acquérir une position lui donnant de grandes responsabilités.
Il s'est fait lui-même et son périple plein de rebondissements est digne d'intérêt.

Jean-François Chalot

CHALOT - Vaux le Pénil - 76 ans - 14 février 2024