Ruby : Une romance birmane
de Philippe Fiévet

critiqué par Débézed, le 11 octobre 2023
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
Le Myanmar impossible
Après avoir évoqué les ermites, stylistes et autres reclus au V° siècle en Orient, Philippe Fiévet raconte une histoire contemporaine qui aurait dû avoir pour objet de conduire ses protagonistes au Myanmar (ex Birmanie). Il confie sa plume à un ancien journaliste qui travaille avec Ruby, une photographe, à la réalisation d’une couverture pour son roman, Quand celle-ci est terminée, leurs rencontres s’espacent mais la jeune femme en rupture avec son amante fréquente toujours le narrateur. Tous les deux, ils ont le souvenir d’un séjour effectué en Birmanie à des époques différentes, ils aimeraient retrouver ce pays dont ils ont gardé le meilleur souvenir. L’idée leur vient de réaliser un documentaire sur les joyaux de Magog , les rubis « cœur de pigeon », les plus prisés et surtout les plus chers de la planète. Pour réaliser cette mission, ils sollicitent le renfort d’un joailler bruxellois.

Fort de leurs souvenirs, ils évoquent la Birmanie au temps de leur voyage respectif : après son mariage pour le narrateur soixantenaire et avec sa compagne pour Ruby la trentenaire, fin des années quatre-vingt et début du vingtième siècle. Deux époques où malgré l’instabilité gouvernementale, les conflits ethniques et la violence des groupes mafieux, le pays était encore accessible et agréable à visiter. Ainsi, ils racontent ce pays, sa société multiethnique, ses gouvernements souvent dictatoriaux, sa culture, sa spiritualité très prégnante et ses rubis parmi le plus prestigieux du monde., ils se négocient « au prix du rêve… ».

Ils se projettent dans ce voyage avec Leurs souvenirs et les informations qu’ils sont récoltées pour préparer leurs précédentes excursions : la Birmanie décrite par Kessel et le Myanmar découvert par le joailler lors de ses voyages commerciaux. Mais, leur rêve d’évasion aux pays des diamants de Magog s’envole quand un virus inconnu frappe la planète entière ; quand la junte militaire décide de priver définitivement l’icône locale, Aung san suu kyi, des dernières miettes de pouvoir qu’elle lui avait concédées sous la pression internationale ; quand une bande de malfrat dépouille le bijoutier des ses plus beaux joyaux ; juste avant que Ruby soit atteinte d’un mal redoutable.

Le projet tombe à l’eau, c’est l’opportunité pour le narrateur de raconter les exactions de la junte au pouvoir contre les populations civiles qui ont le courage et l’audace de résister à son emprise absolue, autoritaire et sanguinaire. Ce roman devient donc une véritable étude sur le Myanmar actuel : son histoire, ses paysages, sa culture, sa société, sa situation politique extrême, les exactions de la junte, la brutalité sadique de l’armée et des milices et ses joyaux : les rubis et Aung san suu kyi. Un pays loin des codes européens et des préoccupations des médias, « un lieu où les esprits animistes, le bouddhisme et la magie sont omniprésents » mais ne contribuent pas à calmer les ardeurs belliqueuses des militaires, des extrémistes et des malfrats.
La Birmanie semble aujourd’hui reléguée aux tréfonds des soucis des puissants qui gouvernent le monde après l’explosion des conflits en Ukraine et en Israël et ceux qui deviennent pérennes en Afrique et ailleurs encore…