Les séquestrés d'Altona
de Jean-Paul Sartre

critiqué par Jules, le 25 novembre 2004
(Bruxelles - 80 ans)


La note:  étoiles
Pouvoir, responsabilité, manipulations
L’action de cette pièce se passe en Allemagne dans le courant des années cinquante. Quasiment toute la pièce se joue entre cinq personnes et tous font partie de la famille von Gerlach.

Il y a d’abord le Père qui possède plusieurs chantiers navals. La guerre n’en a pas diminué l’importance, ni la défaite. Aux toutes premières répliques, il annonce sa mort prochaine, pour dans six mois, suite a un cancer de la gorge. Cela n’a l’air de perturber aucun de ses enfants…

Il y a le fils aîné, Frantz, ancien officier pendant la guerre, réfugié dans sa chambre qu’il ne quitte jamais depuis plus de dix ans. Seule sa sœur, Leni, a le droit d’y entrer. Celle-ci est une jeune femme intelligente, dure et qui sait ce qu’elle veut.

Werther, le jeune frère, est plus faible et plus influençable par le Père. Celui-ci le contraint à diriger l’entreprise, alors qu’il était avocat et donc totalement indépendant du reste de la famille. Johanna, femme de Werther, est une ancienne actrice. Elle est belle, volontaire et intelligente. Elle est profondément déçue par la mollesse de son mari qui se laisse si facilement diriger par ce Père qui semble vraiment un dictateur. Elle est cependant respectée par lui, va lutter et se débattre.

Frantz et le Père sont les vrais centres de cette histoire. Ici tout le monde manipule tout le monde et nous avons un parfait exemple de « l’enfer c’est les autres »

Werther, qui ne voulait pas diriger l’entreprise, se prend au jeu et est prêt à se défendre contre tous si on voulait lui retirer son nouveau pouvoir. Leni veut garder Frantz pour elle seule et croit l’entretenir dans sa folie par ses mensonges. Johanna veut récupérer son mari contre tous. Quant au Père, il détient le vrai pouvoir et est un excellent manipulateur et joueur d’échec…

La pièce va essentiellement tourner autour de la notion de responsabilité, pour le père comme pour Frantz. Qui est responsable et de quoi ?… Qui peut juger l’autre ?…
Un autre élément essentiel de la pièce réside dans le pouvoir. Qu’est-ce que le vrai pouvoir ?… Est-il grisant ?…

Quelques phrases importantes :

- Le Père (à Frantz) : Ta vie, ta mort, de toute façon, c’est rien. Tu n’as rien, tu ne fais rien, tu n’as rien fait, tu ne peux rien faire. »
- Frantz (au Père) : …j’ai le pouvoir suprême. Hitler m’a fait un Autre, implacable et sacré : lui-même. Je suis Hitler et je me surpasserai. »
- Frantz (au Père) : Deux criminels : l’un condamne l’autre au nom de principes qu’ils ont tous deux violés ; comment appelez-vous cette farce ? »
- Frantz (au Père) : Celui qui ne fait pas tout ne fait rien : je n’ai rien fait. Celui qui n’a rien fait n’est personne. Personne ? »

Une très longue pièce en cinq actes et qui fait plus de trois cent cinquante pages de texte !
A mes yeux, pas la meilleure de Sartre, mais elle se laisse lire sans ennui. Loin donc d’être indispensable pour la connaissance de l’œuvre ou de la pensée de l’auteur.

Mais ce n’est qu’un avis…
D'accord avec Jules 7 étoiles

D'accord avec Jules. Seulement j'ajouterais encore quelques phrases :

FRANTZ ( à Johanna ) : Elle a tout perdu et s'est enfermée dans sa chambre pour faire semblant de tout refuser.

FRANTZ ( à Johanna ) : Savez-vous ce que je me reproche : je n'ai rien fait.

KLAGES ( à Frantz ) : Heinrich t'écoute comme le Bon Dieu.
FRANTZ ( à Klages ) : Parce que je le traite comme un tas de merde : c'est logique.

Valéry - - 38 ans - 13 février 2006