Peins mon âme bleu jaune sable
de Barbara Bigotè-Frieden, Schreer Héloïse (Dessin)

critiqué par Débézed, le 20 septembre 2023
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
Dans le creux des vers
Avec ce recueil, j’ai découvert Barbara Bigot-Frieden que je n’avais encore jamais lue, elle propose dans cet opus brillamment illustré par Héloïse Schreer, des poèmes courts souvent de quelques vers seulement composés eux-mêmes de quelques mots très soigneusement choisis pour leur son, de manière à proposer parfois de belles rimes d’autres fois de jolies assonances (Je marche à l’amble / je valse à l’angle / de vos bras) qui rythment doucement le texte. Pour donner de la couleur et un supplément d’âme à ce recueil, Héloïse a choisi les couleurs évoquées par Barbara en y ajoutant seulement un peu de rouge comme pour déposer un peu de vie entre le bleu du ciel et le jaune du sable. Une façon de créer un monde pour y accueillir les mots et les émotions de Barbara.

Dans cet opus, Barbara se livre à un travail formel très rigoureux, chaque mot est pesé, évalué, chaque vers est comme écouté pour en bien choisir le son et le rythme. Mais, à la lecture de ces vers j’ai trouvé une autre approche de ce recueil, je l’ai lu comme une histoire d’amour douloureuse masquée dans le creux des poèmes, comme des phrases en filigrane. J’ai lu l’amour : « … / je suis ta terre / tu es mon soc / moi le reste / toi le soc », le déclin de cet amour : « mes souvenirs sont les autres / je n’ai pas d’hôtes à aimer / … ». De ce déclin nait une véritable hantise : « l’homme éfriche / un cœur des plus tristes / moi ça me fiche / un de ces froids /soudain la trouille /d’être comme lui / le même trou / dans la poitrine / qui s’agrandit ». Et la hantise annonce la chute qu’elle ne peut éviter : « vos lèvres labiles naissent / des loques de silence / je ne suis pas solide en solitaire / et ne serai jamais moi / qu’un trop-perçu / … ». Et comme toutes les belles histoires d’amour, celle-ci s’achève dans la tristesse et l’impossibilité : « deux amours particuliers / quand l’un / est le deuil de l’autre / on dit bien / pas un / pour racheter l’autre / … ». Voilà donc la belle histoire d’amour que j’ai dénichée au creux des vers de Barbara.

Cette histoire est écrite avec beaucoup d’élégance et c’est un tour de force littéraire qu’accomplit Barbara car elle utilise souvent un langage très populaire sans que cela nuise le moins du monde à la finesse et à l’élégance de son texte. Avec quelques mots, elle dessine une image très expressive, décoche une flèche acérée, évoque une émotion sensuelle, suggère une réflexion possible, … Elle travaille le vers comme une artisan d’art travaille sa matière.