Le coeur en poche
de Christine Aventin

critiqué par Lucien, le 22 novembre 2004
( - 69 ans)


La note:  étoiles
"La nouvelle Sagan" ?
Lorsque ce roman fut publié, en 1988, les critiques littéraires, à l'affût de chair fraîche, bombardèrent son auteur "nouvelle Sagan". Elle avait écrit ce livre à 15 ans, avait plu à Simone Gallimard et devait séduire un large public avec l'histoire d'une jeune fille de son âge, Alexandra, dont la mère prostituée est battue puis tuée par son souteneur, puis qui cherche à retrouver le père qu'elle n'a jamais connu.
"Nouvelle Sagan"… la formule était stupide, comme la plupart des formules. L'auteur du "Cœur en poche" n'est pas devenue Sagan. Mais elle est devenue, dès ce moment, Christine Aventin, le petit prodige qui publia un best-seller. Plus de quinze ans après, elle cherche encore à échapper à ce pesant héritage.
Deux ans plus tard en effet, elle publiait "Le diable peint", un livre encore adolescent mais empreint de cruauté, de cynisme, comme si, déjà, elle se regardait écrire, réglait ses comptes, et d'abord avec les figures du père et de la mère.
Christine Aventin avoue aujourd’hui que ses deux romans de jeunesse étaient des livres fabriqués par une bonne élève qui savait lire, écrire, regarder des films policiers à la télévision, vivre par procuration. Le reste ? Un coup éditorial, sauf peut-être du point de vue de Simone Gallimard qui avait sans doute compris que les blessures d’origine familiale étaient profondes, les traumatismes intimes pas seulement littéraires, et qu’une voix personnelle pouvait surgir un jour, une fois gommés les poncifs, traqués les lieux communs, épuisés les stéréotypes de la petite littérature à consommer faute d’aliments plus robustes.
Qu’est devenue Christine ? Etudes de lettres, rupture avec des parents à qui elle eut entre autres à reprocher de ne jamais lui avoir versé les droits d’auteur de ce roman à gros tirage, errance professionnelle toujours un peu marginale, vie affective de l’autre rive, et le silence. Tout plutôt que le modèle parental ; tout plutôt qu’écrire un roman Aventin.
D’où un troisième livre, court et beau, et difficile, plus de dix ans après ses balbutiements d’ado : "Le désir demeuré". Et, aujourd’hui, un quatrième livre, "Portrait nu", publié dans une collection érotique.
Christine Aventin réussira-t-elle à échapper à l’ombre projetée sur son nom depuis le succès du "Cœur en poche"? Elle a aujourd’hui tout en main pour briser l’image, tuer le double après avoir «tué le père», naître enfin à son talent. A cœur ouvert…
Appréciable 9 étoiles

Alexandra, quinze ans, vit à Paris avec sa mère, Véronique. Véronique exerce le plus vieux métier du monde. Malheureusement, elle se fait trucider par un client. Seule au monde et pour éviter le placement dans une institution, Alexandra est hébergée chez sa tante et son oncle en Bretagne. Elle fugue et se réfugie chez Laurence, une amie de sa mère qui exerce le même métier. Notre gamine finit par retrouver son père qu’elle ne connaît pas et qui en a encore pour deux ans de prison. Autant dire que cela ne va pas être jojo …

Un roman retentissant à l’époque ( en 1988) pour cette jeune lycéenne liégeoise. Elle ne s’en tire effectivement pas mal.


Extraits :


* Je savais que je n’étais au fond qu’une petite catin, qui ne demandait que ça.

* Je considérais les curés comme des planqués. Faites ceci, ne faites pas cela. C’était trop facile de dicter aux gens comment ils devaient vivre : supporter tous les coups, pardonner à ceux qui nous ont fait du mal : foutre la paix aux autres.

* Dieu avait un avantage : il n’était pas rancunier.

* ( le gros curé raciste qui n’aimait pas les arabes) Dans un train :
La tête de l’Arabe reparut derrière la porte vitrée. (…)
- « Toi, excuser nous. Nous vouloir asseoir, femme fatiguée. Attendre bébé, elle pas pouvoir rester debout ».
- « Non, ce compartiment est réservé, va voir de l’autre côté. »
C’est le gros curé qui venait de parler.
- « Mais moi, je n’attends personne », dis-je. « Ils peuvent prendre place à côté de moi et si vous attendez d’autres personnes, j’irai dans le couloir »
- « Non, mon enfant, tu es très aimable, mais nous sommes dans un compartiment de première classe et ces gens n’ont certainement qu’un billet à tarif réduit. N’est-ce pas ? Montre-moi ton billet.
L’Arabe sortit les deux tickets de sa poche avant de les tendre au prélat.
- « J’avais raison, regarde », annonça-t-il en me les montant
- « Quelle importance ? Moi non plus je n’ai pas de billet de première classe. »
J’ignorais que les trains étaient racistes et sectaires.
- « Toi, tu as besoin de réconfort. Je veux bien payer le supplément de prix à ta place »

* Pas si conne. Et puis je me demande si je ne vais m’y mettre à l’aimer vraiment. Ne dit-on pas que nous faisons les meilleurs épouses, nous les catins.

Catinus - Liège - 73 ans - 26 juin 2016