Œuvres (tome 1)
de Jean-Baptiste de Grécourt

critiqué par Froidmont, le 25 août 2023
(Laon - 33 ans)


La note:  étoiles
De l'art d'être élégant et grossier
Grécourt est un auteur de textes licencieux, un prêtre défroqué qui s’en allait heureux par les mille sentiers de la perdition, la voie chaude et humide de la damnation, préférant respirer aux odeurs de missel les intimes odeurs des jardins de pucelle.

Et ces inclinations sont l’essentiel objet du volume premier de ses écrits complets. Sur ce point attention, car cette édition a la réputation pour faire complétion d’avoir attribué à monsieur de Grécourt plus d’œuvres qu’il n’en a écrites dans son cours ; ce qui est amusant quand, en avant propos, l’imprimeur critiquait, parue vingt ans plus tôt, de ses œuvres complètes l’édition dernière qui lui attribuait des écrits de Voltaire.

Il reste toujours vrai qu’il ne faut pas avoir la pudeur irritée pour lire ces histoires. Tout y passe : le viol, l’amour, la tromperie, vrais carmes, parfois faux, rêvant de coucheries par voie conventionnelle ou porte dérobée, riant aussi des dons des Vénus vérolées. Bien sûr il ne faut pas oublier le contexte, règne de Louis XV, en lisant quelques textes : aussi à ce moment n’est-il pas si choquant qu’un homme ait attrapé mal d’une fille ayant « deux lustres et demi qu’un an à peine augmente ». Tels propos aujourd’hui seraient bannis des ventes. Au milieu de cela, on découvre au passage des madrigaux tout doux au langage bien sage.

C’est amusant un temps, d’autant qu’il fait usage de tours et de détours, pirouettes de langage, pour nommer les parties, quelques fois les pratiques, sans éventrer trop large le voile pudique qui était le bon ton des langues libertines qui aimaient parler cru de façon clandestine.

Mais sur quatre cents pages c’est quelquefois long. Manque de variété, toujours le même ton, quelques images même à ce point recherchées qu’il faut lire trois fois pour les appréhender. Et des vers inégaux, du plat, du bon, du mou, globalement plaisants, plus de bons que de flous, mais qui sur la longueur épuisent malgré tout. Plus d’une fois j’ai lu un substantiel bout de ces contes coquins avant de découvrir que mon esprit lassé avait tout lu sans lire, que rien ne s’imprimait, que je ne savais plus les bases de l’histoire énoncées au début. Parfois je reprenais, parfois, moins courageux, je forçais mon chemin pour épargner mes yeux.

Mes yeux, oui, car ce livre est un volume in-12. S’il entre dans la poche sans qu’il la découse, pour loger tout ce texte en de petites pages, de petits caractères composent l’ouvrage. Y lire trop longtemps c’est se crever les yeux à discerner du « f » cet « s » insidieux. Le passé est charmant, j’aime ce qui est vieux : si le poche en ce temps était deux cents fois mieux (meilleure qualité, emploi d’un bon papier, même si par ces choix le prix aussi suivait), je ne regrette en rien ces galants imprimeurs qui signalaient les « s » ou muets ou sonneurs. Certes on peut arguer qu’à force on s’habitue, mais l’erreur est fréquente et toujours incongrue.

Une mention spéciale, amitié hors du temps, pour cet Henri Carret dont l’ex-libris, étant un ours lisant, fumant, en fauteuil et pantoufles avec un « loin du monde », me plaît et m’époustoufle. Je ne sais qui tu fus, ô mystérieux ami, mais je t’aime déjà pour ce que cela dit !