Le vieux qui mâchonnait des religieuses
de Jean Pézennec

critiqué par Débézed, le 19 août 2023
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
Micro-nouvelles intenses
Après avoir écrit un recueil d’aphorismes chez le même éditeur, Jean Pézennec propose un nouvel ouvrage, un recueil de micronouvelles dans la collection Microcactus. Ce recueil se compose de textes courts, voire très courts, où l’esprit de l’auteur d’aphorismes est encore très présent, j’en veux pour preuve les trois exemples ci-dessous :

« Elle parlait carré, il aimait les ellipses, leur histoire d’amour entra dans un cercle vicieux qui déboucha vite sur un triangle amoureux. »
« Ce cuisinier se voulait le Georges Pérec de la gastronomie. Il se targuait de faire une cuisine entièrement sans œufs. »
« Le terroriste se précipita vers lui pour le décapiter. Par chance, ce matin-là, il avait la tête ailleurs. »

Dans ces petites histoires, j’ai trouvé beaucoup pertinence et de malice, des traits burlesques, des flèches acérée et toujours beaucoup de finesse. Il évoque la dérive du monde qu’il faudrait plus imputer à ceux qui savent ce qu’il faut faire plutôt qu’à ceux qui le font.

« Ave, Cesar, ceux qui vont mourir te saluent » dit au médecin accoucheur, en sortant du ventre de sa mère, de nouveau-né très en avance sur son âge et déjà lucide sur le sort qui l’attendait dans l’arène où il venait d’entrer. »

Il stigmatise les lieux communs clamés par les manifestants de tout bord, les vérités assénées sans jamais être réellement démontrées, les comportement sociaux panurgiques initiés par des gourous inconnus et relayés par des pseudo stars.

« … après la révolution antispéciste, … le présentateur du journal télévisé fut pris de folie subite et écrasa entre son pouce et son index une des adorables puces peuplant le studio, sous prétexte qu’elle l’avait piqué. Un vigile l’abattit fort heureusement avant qu’il ait assassiné une seconde puce… »

Jean n’est pas qu’un détracteur de fausses idées, c’est aussi un amoureux des lettres, un vrai littéraire et avant tout un amateur averti des aphorismes dont il en invente de nombreux.

« Il partit de bon matin à la chasse avec son filet à aphorismes et revint vers midi avec un magnifique spécimen aux ailes splendidement décorées qu’il s’empressa de fixer avec une épingle dans son herbier. »

Il n’aime pas qu’on tripote la langue, qu’on lui manque de respect, qu’on la dévergonde…

« Dans une tentative méritoire de renouveler la pédagogie, le ministère de l’Education décida d’enseigner l’orthographe en utilisant des extraits de dialogues de films français récents pour accrocher l’attention des élèves. L’expérience déboucha malheureusement sur un échec retentissant. »

J’ai aussi apprécié le côté burlesque, un peu surréaliste de certaines de ses micronouvelles.

« La femme, enfin, réussit à s’échapper du tableau dont elle était prisonnière. Hélas, c’était u tableau de Picasso. Ce qu’elle avait pris pour une libération ne fut que le début d’une pénible série d’opérations de chirurgie réparatrice destinées à lui redonner forme humaine. »

Je ne saurais conclure sana m’associer à ce coup de pied de l’âne si justement asséné.

« Ca y était ! Enfin après une intense campagne de lobbying, les ânes avaient obtenu le droit de vote…, il fallait d’urgence apprendre à parler à ces nouveaux électeurs. Bientôt, …, dans tous les QG électoraux retentirent des « HI han ! d’abord maladroits puis de plus en plus assurés. » Pourrait-on croire que nos élus politiques sont de plus en plus proches de la gente asine ?