- Mon cher monsieur Renard, heureux de vous revoir. Lors que je prenais l’air la semaine dernière, j’étais passé ici voir si vous aviez mis en avant mes essais que beaucoup gagneraient à lire tout leur saoul, entier, de bout en bout. Mais je fus accueilli par Charlotte Souris qui les larmes aux yeux avec un air odieux m’a chassé par ses cris de votre librairie ! J’étais à hésiter à prendre mes essais, aller les mettre ailleurs chez quelque connaisseur qui saurait me les vendre, car choisir de les prendre vaut bien quelques noisettes. Pour une telle emplette, ce n’est pas cher payé …
Foin de la logorrhée ! Renard n’écoutait plus quand Phinéas Tortue parlait de ses essais. Si tout a commencé, c’était bien de sa faute ! Il pensait à voix haute et dès qu’il se fut tu, Renard, la voix émue, un soupir dans le cœur, professionnel, acteur, sans malice et sans ruse, contrefit les excuses.
- Navré monsieur Tortue si je n’y étais plus. J’aidais Ferdinand Taupe, qui en plus d’être myope, est frappé d’Oublie-Tout. En voyageant partout nous avons recherché du présent au passé sa tendre épouse Maude, souvenir qui taraude ce pauvre Ferdinand.
- Je vois, c’est important. Avez-vous proposé à Taupe mon essai sur l’art du rangement ? Ranger correctement permet de retrouver. Il en va des objets comme des souvenirs.
Et tout seul de sortir le soupir retenu pour Phinéas Tortue …
C’est vraiment un beau livre qui nous apprend à vivre. D’un charme un peu désuet, sans nul mal en pensée : on se sent transporté dans un joli passé : vivre avec la nature à pied et sans voiture, peu de technologie parasitant la vie, à peine un grille-pain qui ne fonctionne en rien, et jusques aux prénoms que j’aime à la passion ! Il est beau en deux sens.
D’abord il nous dispense un merveilleux récit empli de poésie. Il a tout ce que j’aime, une brillante gemme des livres de jeunesse. Il touche à la détresse et à des sujets graves : Ferdinand, presque épave, rongé par l’Alzheimer doit combattre ses peurs, souvenirs douloureux d’un passé malheureux qu’il cherchait à cacher, pour au fond accepter la vérité du drame qui vit partir sa femme. Or cette gravité avec légèreté, mais non pas sans pudeur, est montrée au lecteur. Cela fait qu’à la fois ce monde par sa voix enchante notre cœur, car il est sans horreur, tout en civilité et amabilité, autant qu’il le renvoie au nôtre qui se voit entre les interstices par ces petits supplices que doivent endurer ces gens de la forêt. Car oui, ce sont des gens, animaux mais pourtant semblables aux humains en plus doux et sereins.
Et beau par le travail admirable et sans faille, vif, précis, coloré produit par Sanoe. Belles illustrations qui marquent bien le ton.
En lisant cet ouvrage, au détour de ses pages, je voyais un papa qui se tordait les doigts, penché sur son enfant et cherchant doucement à dire par images les revers du grand âge, par ces portraits qu’il croque pourquoi papy débloque. Touchante vision de famille et d’union.
Froidmont - Laon - 33 ans - 6 septembre 2023 |