L'échiquier
de Jean-Philippe Toussaint

critiqué par Saule, le 17 décembre 2023
(Bruxelles - 59 ans)


La note:  étoiles
Auto-biographie
Dans cet essai l'auteur assume son rôle du narrateur de sa propre vie. Initialement il avait prévu d'écrire un livre sur le jeu d' échecs, et ensuite sur la traduction du livre de Zweig (Le joueur d'échecs) qu'il était occupé à faire, mais, au gré du confinement, ce livre a échappé à son auteur et s'est transformé en autobiographie.

Dans la plupart des livres de J-P Toussaint que j'ai aimés, on trouve un narrateur qui se perd dans ses pensées, et on a souvent l'impression de voir en filigrane l'auteur lui-même. C'est un aspect qui me fascine et qui m'enchante chez Toussaint, il a la capacité de restituer de manière très visuelle des souvenirs mais en laissant une grande liberté au lecteur car tout est toujours nappé d'un peu de mystère et d'incertitudes. Car bien sûr la mémoire peut être trompeuse et le narrateur, sans compter l'auteur qui aime nous prendre au dépourvu.

Certains souvenirs évoqués dans ce livre l'avaient déjà été dans des romans précédents, par exemple les scènes à Berlin qui sont le coeur du roman La Télévision. Dans ce cas on est un peu déçu comme devant un vieil oncle qui radote. Par contre la scène dans laquelle il évoque sa rencontre avec sa future épouse est un vrai régal de fraicheur et subtilité, on retrouve son talent incroyable pour faire naitre des images dans l'esprit du lecteur.

Un livre à livre pour les amateurs de J-P Toussaint. Pour ceux qui ne le sont pas encore il vaut mieux commencer par ses autres romans et réserver celui-ci pour après.
Jean-Philippe Toussaint le cavalier 10 étoiles

Les pions immobiles sur l’échiquier de la mémoire de Toussaint se mettent à bouger lorsque l'auteur perçoit un point apparemment anodin : "cela ne m’avait frappé auparavant que le sol du hall d’entrée de mon ancienne école avait des allures d’échiquier."

Et l'auteur y reste tout au long de ces pages : "c’est le présent de ce livre, c’est son présent infini." ajoute-t-il. Et à sa manière il reprend ce que Perec a usé dans "La Vie mode d’emploi" : un principe dérivé d’un vieux problème que connaissent bien des amateurs d’échecs : la " polygraphie du Cavalier', problème mathématico-logique, appelé aussi algorithme du Cavalier, fondés ses déplacements

Toussaint trouve là une nouvelle ouverture par le retour au biographique. En se racontant dans cet ouvrage non seulement il se livre mais se réinvente à sa main. Et l'auteur de préciser encore : "je voulais débobiner, depuis ses origines, mes relations avec le jeu d’échecs" pour faire de ce jeu un fil d’Ariane et une aire de recouvrement .

Jean-Paul Gavard-Perret

JPGP - - 77 ans - 10 août 2023