Poèmes
de Paul Celan

critiqué par Fee carabine, le 18 novembre 2004
( - 50 ans)


La note:  étoiles
"La main qui ouvrira mon livre..."
"... je tiens à vous dire combien il est difficile pour un Juif d'écrire des poèmes en langue allemande. Quand mes poèmes paraîtront, ils aboutiront bien aussi en Allemagne et - permettez-moi d'évoquer cette chose terrible -, la main qui ouvrira mon livre aura peut-être serré la main de celui qui fut l'assassin de ma mère... Et pire encore pourrait arriver... Pourtant mon destin est celui-ci : d'avoir à écrire des poèmes en Allemand." Ce court extrait d'une lettre de Paul Celan, datée de 1946, résume admirablement la contradiction qui est au coeur de son oeuvre.

Paul Celan est né en 1920 à Czernowitz en Bucovine, une ancienne province de l'Autriche-Hongrie, devenue roumaine en 1918. La population juive de Bucovine atteignait alors 12%, partagée entre une petite bourgeoisie germanophone, très attachée au défunt empire des Habsbourg qui furent les premiers à accorder aux Juifs l'égalité des droits civiques en 1867 - une bourgeoisie dont était issue la mère de Paul Celan -, et un groupe d'origine essentiellement ukrainienne, adepte d'un Judaïsme plus strict et resté attaché à la pratique de l'Hébreux et du Yiddish - un groupe qui comptait parmi ses membres le père du poète. Le jeune Paul grandit ainsi tiraillé entre deux pôles, le Yiddish et le Judaïsme strict de son père et la langue allemande, la langue de sa mère, passionnée de poésie et de littérature, la langue de la tendresse... En juin 1941, la Bucovine passe sous contrôle allemand (après plus d'une année sous contrôle soviétique) et les déportations de Juifs commencent, les parents de Paul Celan sont très vite arrêtés, son père meurt d'épuisement à l'automne 1942 et sa mère, tuée d'une balle dans la nuque, pendant l'hiver suivant... La langue allemande, la langue de sa mère, est aussi devenue la langue de la mort.

Mais pourtant, selon les mots de Paul Celan lui-même, "Elle, la langue, fut sauvegardée, oui, malgré tout. Mais elle dut alors traverser son propre manque de réponses, dut traverser un mutisme effroyable, traverser les mille ténèbres des discours porteurs de mort. Elle traversa et ne trouva pas de mots pour ce qui se passait, mais elle traversa ce passage et put enfin ressurgir au jour, enrichie de tout cela." Voilà ramassée en quelques mots, la singularité de la poésie de Paul Celan, une poésie qui métamorphose la langue des bourreaux pour dire la déchirure, la perte, le manque, et aussi la mémoire des survivants: "Blancheur, étalée au loin / Par-dessus, à l'infini, / la trace de traîneau de ce qui fut perdu.// Par-dessous, à l'abri, / se dresse / ce qui blesse le regard, / tertre pour tertre, / invisible." Ou encore: "Je peux te voir encore : un écho, / palpable par mots- / tactiles sur l'arête / de l'adieu. // Ton visage s'effarouche sans bruit / lorsque d'un coup / il devient clair comme lampe en moi / à l'endroit / où l'on dit au plus douloureusement / Jamais."

Une poésie qui porta aussi la musicalité de la langue allemande à son plus haut degré de perfection, comme en témoigne l'admirable "Todesfuge" (Fugue de mort):

"Schwarze Milch der Frühe wir trinken sie abends
wir trinken sie mittags und morgens wir trinken sie nachts
wir trinken und trinken
wir schaufeln ein Grab in den Lüften da liegt man nicht eng
Ein Mann wohnt im Haus der spielt mit den Schlangen der schreibt
der schreibt wenn es dunkelt nach Deutschland dein goldenes Haar Margarete
er schreibt es und tritt vor das Haus und es Blitzen die Sterne er pfeift seine Rüden herbei
er pfeift seine Juden hervor lässt schaufeln ein Grab in der Erde
er befiehlt uns spielt auf nun zum Tanz..."

"Lait noir de l'aube nous le buvons dans le soir
nous le buvons le matin le midi nous le buvons dans la nuit
nous buvons et buvons
nous creusons une tombe dans l'air nul n'y est à l'étroit
Un homme habite la maison il joue avec des serpents il écrit
il écrit vers le soir en Allemagne ta chevelure d'or Marguerite
il l'écrit et passe devant la maison et brillent les étoiles il siffle ses dogues
il siffle ses juifs creusez donc une tombe dans la terre
il nous ordonne à présent jouez donc pour la danse"


Le présent volume propose une très belle sélection de poèmes de Paul Celan, prélevés à travers toute son oeuvre, dans une édition bilingue et une nouvelle traduction par John E. Jackson (malheureusement parfois un peu maladroite et pataude en comparaison des traductions plus anciennes par André du Bouchet ou Valérie Briet, c'est là d'ailleurs la seule réserve que m'inspire ce livre...), accompagnée d'une biographie succincte - qui s'attache surtout à retracer les relations de Paul Celan avec la langue allemande - et de quelques textes complémentaires, lettres ou discours de Paul Celan ainsi qu'un essai de John E. Jackson, traitant du travail de Paul Celan sur la langue. C'est l'introduction idéale à l'une des plus belles oeuvres poétiques du XXème siècle.
Un livre bourré de fautes 1 étoiles

Des traductions très approximatives. Un livre bourré de fautes.

La loutre du marsouin - - 44 ans - 15 mars 2005


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Que de fautes ! Que de fautes !

Le Chat - - 79 ans - 15 mars 2005