Saison sans visage
de Louis DUBOST

critiqué par Débézed, le 7 août 2023
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
Cultiver son devenir
Louis est un poète jardinier, il bine ses recueils de poésie comme il bêche ses carrés de légumes dans son potager. Dans le présent opus, il évoque moins souvent son cher jardin et tout ce qu’il y plante. Il se penche sur son avenir qu’il pressent de moins en moins long. Il semble penser de plus en plus au moment où il ne pourra plus cultiver son jardin, où il faudra dire adieu à son petit monde et à tous ceux qu’il aime. Même, s’il s’apprête à affronter sa fin, il ne se résigne pas à l’accueillir trop vite.

« … // non la mort / ne me dit rien // plus précisément / ce n’est rien / qu’un mot comme / dieu / paix / espérance // … ».

Et pourtant, il sait que l’échéance n’est plus très éloignée, « … // aujourd’hui / J’ai l’âge de mon père / quand il est mort // … »

Mais avant la mort, il y a la vieillesse avec toute la cohorte des ennuis qu’elle génère, les souffrances, l’affaiblissement physique et cérébral, la fatigue, l’usure, … et la rébellion contre cette lente mais inexorable descente.

« La veille la fatigue / dans tout le corps // les questions harassées / comme un poids mort / dans chaque os // Et puis au réveil / on se tient debout / … »

La vieillesse c’est le temps qui passe, le temps qui est passé : « … / une heure à perdre / une minute d’inattention /une seconde égrenée / comme les précédentes // on aura quelque chose / à dire et pas le temps / ni un seul mot pour le dire // … ».

« Le passé est passé / comment espérer / recomposer le corps /// le passé verrouille / à jamais / ce que l’on est / on n’a pas le choix // … »

Ce recueil est plein de nostalgie du temps passé mais aussi d’appréhension de l’avenir et de ce qu’il comporte mais Louis ne s’apitoie pas, il est lucide, il sait ce qui l’attend : « A force / de jouer à vivre // on n’écoute plus / le temps venir à soi // et le temps s’enfuit // sans tourner la tête // … » et il continue à biner son coin de terrain s’inquiétant du temps qu’il fait : « On est là / à maudire l’été // la tête ailleurs à s’occuper du jardin // … ».

J’ai à peu près le même âge que Louis, je sais ce à quoi il pense, nous savons tous les deux que notre fin est de plus en plus proche, que nos corps sont plus lourds, moins vifs et nos cerveaux plus lents, mais nous savons aussi qu’il ne faut pas abandonner la vie, qu’il faut encore biner son jardin et cultiver ses poèmes pour vivre encore dans la paix et la sérénité. J’ai aimé ce recueil empli d’une douce nostalgie, de tendresse, d’émotion simple, d’acceptation de l’avenir et de douces poésies bucoliques. Nous avons tous les deux au moins un pied bien ancré dans notre terre originelle. Et, comment ne pas citer ce joli ver : « l’aile de l’hirondelle / recueille / ce qui reste du jour », je l’ai adoré comme bien d’autres… !

« Les mots s’éparpillent / entre qui-vive / et qui meurt ».