Le Parfum des poires anciennes
de Ewald Arenz

critiqué par Pascale Ew., le 5 août 2023
( - 58 ans)


La note:  étoiles
Coup de coeur
Sally erre sac au dos après s’être enfuie lorsqu’elle croise Liss dont le tracteur est coincé dans ses vignes. Cette dernière lui propose de loger dans sa ferme pour la nuit. Ces deux femmes de peu de mots se sont trouvées. Toutes deux blessées par la vie, elles vont progressivement se mettre à travailler ensemble dans la ferme de Liss. Très secrètes, elles cachent leurs blessures bien enfouies dans leur silence : Liss, quarante-neuf ans, vit retirée de tous et elle abrite une grande colère notamment vis-à-vis de son père qui l’a élevée à la dure. Elle s’en veut de rester dans cette ferme familiale dont elle a tant voulu s’éloigner étant jeune.
Sally, dix-sept ans, est anorexique et se scarifie. Elle ne se sent comprise par personne, ni par ses parents ni par ceux qui tentent de la soigner, et ne se sent nulle part à sa place. La liberté qu’elle trouve chez Liss qui l'accueille sans rien lui imposer lui fait du bien.
Hélas, le roman se termine sur une fin ouverte… Dommage !
J’ai beaucoup aimé cette relation d’apprivoisement pudique entre les deux femmes qui se retrouvent l’une dans l’autre. C'est tout le contraire des personnages de Melissa Da Costa : Liss et Sally se taisent et communiquent très peu par mots. Tout est dans leurs actions, leurs silences, ce qui me semble beaucoup plus réaliste ou en tous cas, plus courant. Le lecteur découvre leurs secrets petit à petit, surtout ceux de Liss. L’écriture est tout en délicatesse et tous les sens sont sollicités dans ce travail à la ferme et cette nature qui permettent à Sally (et à Liss) de se reconnecter au réel, au sens de la vie.
le lien qui sauve 9 étoiles

Ce roman d'Ewald Arenz, "Le parfum des poires anciennes", paru en 2023, traduit de l'allemand, met en scène Liss, agricultrice, la cinquantaine, qui vit seule avec ses arbres fruitiers, ses abeilles, qui fabrique son schnaps. Elle a un lourd passé et est mal vue dans le village.
Et voilà qu'une jeune fille, Sally, dix-sept ans, débarque chez elle. Elle a échappé à ses parents et ses éducateurs, et s'est évadée de la clinique où elle avait été placée pour anorexie, non-respect des normes et mal de vivre. "Elle détestait être obligée de manger quand les autres le disaient ou parce que tout le monde le faisait. Manger, parce que c’était le matin. Ou midi. Ou le soir. Ou parce qu’on avait faim. Elle voulait manger quand elle avait décidé de manger. Elle voulait boire quand elle avait décidé de boire. Personne ne comprenait ça."
Entre cette jeune fille presque mutique,mal dans sa peau et la femme mûre qui ne vit que par son travail, source d'oubli de son douloureux passé, le lien va être long à se mettre en place. Pour la première fois de sa vie, Sally rencontre une personne qui ne la juge pas, qui la fait participer aux tâches agricoles, et lui fait prendre conscience de sa force intérieure.
C'est que Sally rappelle à Liss sa jeunesse difficile. Les deux femmes ont en commun un passé douloureux. Et, en s'apprivoisant, elles vont réussir à rendre leur présent acceptable. Et, qui sait, peut-être donner du sens à leur vie, se reconstruire grâce à la solidarité et au travail en commun.
La cueillette du raisin en pleine nuit est ainsi un trait d'union inattendu pour Sally : "C’était comme partir en voyage. Le lever au milieu de la nuit. L’excitation des premières fois. La chair de poule, entre froid et énervement, parce que le corps est fatigué mais l’esprit bien éveillé". .
Un livre que j'ai lu d'une traite et qui m'a bouleversé.

Cyclo - Bordeaux - 79 ans - 31 juillet 2025