Tanguy
de Michel Del Castillo

critiqué par Zenith_, le 17 mars 2001
(Bruxelles - 43 ans)


La note:  étoiles
Enfant dans la tourmente...
Né d'un père français et d'une mère espagnole, Tanguy est encore petit lorsque la guerre d'Espagne les force à s'échapper et revenir en France, lui et sa mère. Suite à une dénonciation à l'égard de cette dernière, ils sont tous deux envoyés dans un camp de concentration pour réfugiés dans le Midi.
Hélas ce ne sera pas la seule détention que vivra Tanguy. Durant la guerre 40-45, Tanguy sera envoyé dans un autre camp de concentration, en Allemagne cette fois. Il y fera la connaissance de Gunther, un jeune avocat allemand, avec qui il passera les longs mois de détention. C'est ce dernier qui l'entourera de toute son attention, et l'aidera à lutter contre la faim, le froid, l'épuisement, la folie, la tentation de se laisser mourir, mais l'empêchera également de succomber à la haine, tant vis-à-vis des kapos, des gardiens, des enfants qui l'avaient battu, que des autres déportés que les conditions de vie rendaient cruels à leur tour.
La fin de la guerre lui rend sa condition d'homme libre. Il n'a alors que 12 ans. Recherchant des traces de sa famille en Espagne, il se rendra amèrement compte que plus personne n'est là pour l'attendre. Il est alors envoyé dans un centre de redressement géré par des Pères aux pratiques violentes. A nouveau, il lui faudra subir les humiliations diverses, avant de pouvoir s'évader de là-bas, et enfin goûter à quelques instants de bonheur dans un collège de Pères Jésuites, où il fera la connaissance de l'excellent Père Pardo. Mais Tanguy s'obstine, cherche à retrouver son père. Or pour ce faire, il lui faudra trouver un travail à Barcelone, afin de récolter les fonds pour rentrer en France. Il vivra, encore une fois, une période sombre, de laquelle il sortira grâce à Sébastiana, femme d'une rare bonté elle aussi.
Enfin, il rejoint la France, retrouve son père, mais... Sont-ce vraiment les retrouvailles dont il rêvait?
Tanguy, tout jeune, traverse tant et tant d'épreuves, qu'il est impossible de nier les cicatrices qu'il en garde. Des camps de concentration à ses retrouvailles avec son père, il subit des atrocités inommables, des humiliations, des souffrances telles que, sans la présence de personnes comme Gunther, Père Pardo, ou Sébastiana, il aurait certainement abandonné sa quête du bonheur. Ces rencontres fabuleuses le guideront dès son plus jeune âge vers la voie de la sagesse, de la tolérance, même vis-à-vis de ses bourreaux, parfois.
Tanguy est un livre où un enfant traverse douloureusement le monde tourmenté des adultes en guerre. Il acquiert, suite à ses expériences, une maturité hors du commun pour un jeune homme de son âge.
Michel Del Castillo avait à peine 21 ans lorsqu'il commença la rédaction de cette oeuvre en grande partie autobiographique. Ce témoignage sincère, poignant, sans artifice, est une merveilleuse leçon de vie, un douloureux récit qui, tout en nous plaçant devant la dure réalité de la guerre, nous murmure que tout n'est jamais perdu, et que quoi qu'il arrive, l'amour, sous quelque forme que ce soit, gagne toujours la bataille.
L'abandon d'un enfant 10 étoiles

Dans la littérature "Tanguy" tient certainement une place à part, résultat d'une expérience malheureusement pas unique, mais transfigurée par l'enchantement littéraire. L'indéniable contenu autobiographique du roman est en effet métamorphosé par l'effort de l'écrivain pour prendre de la distance par rapport au réel, tout en restituant aussi fidèlement que possible l'effet de sidération lié à celui-ci. Dans un registre infiniment plus grave, ce texte fait penser aux étonnements rageurs du héros de "Vipère au poing", d'Hervé Bazin. Dans les deux cas, le lecteur se trouve confronté au drame profond de l'enfance qu'est l'abandon (moral? physique? ressenti? réel?) de l'enfant par sa mère.
Tanguy, le double romanesque de Michel del Castillo, est successivement entraîné dans des univers (camps de concentration français et allemands, un centre de détention espagnol pour adolescents) autrement plus violents et dramatiques que celui de Brasse-bouillon. De ces mondes où tant d'autres ont laissé leur vie ou leur santé mentale, il se sort grâce à l'amour qu'il rencontre chez certains êtres (Gunther, Firmin, Sebastiana, le père Pardo) et à sa volonté farouche d'émerger, comme le plongeur remonte des fonds marins d'un coup de talon.
Ce merveilleux texte, aussi plein de défauts littéraires que plein d'une incroyable fraîcheur, emporte le lecteur au sein de mille difficultés pour le mettre sur la piste de la beauté de la vie. Indispensable.

Falgo - Lentilly - 85 ans - 10 février 2012


Souvenirs... 8 étoiles

Alors... Tanguy... je l'ai lu en français au collège... 4ème ou 3ème, sais plus!
Ben j'en ai un bon souvenir... l'histoire rappelle un peu "le pianiste" Wladyslaw Szpielman... une fuite, plein de personnages qui s'enchainent, des échelons en somme...
Un très bon et très beau livre, que je relirai je pense, ça doit être encore meilleur avec une prise de recul et de maturité!
Bravo Michel, et bravo Tanguy ;-)

Poupi - Montpellier - 34 ans - 7 décembre 2005


Déchirures et anges gardiens 8 étoiles

Un chemin rocailleux, fait de monts et de vals, parsemé d'errances solitaires ou accompagnées. C'est un peu par-là qu'est passée l'enfance de Tanguy.
Par ces souvenirs heureux, par cette mère, icône de l'amour et centre de gravité. Par cette séparation, incompréhensible et insupportable, alors qu'il faut poursuivre, vivre pour le souvenir du visage maternel alors que la solitude se fait plus tenace.
Pourtant, survivre, Tanguy y parvient grâce à toutes ces mains tendues, qui le maintiennent, le soutiennent, lui font un pont au dessus du vide ou la courte échelle. Gunther, l'Allemand, le meilleur ami, la conscience, la bonté. Firmin, le solitaire, le fort, l'égaré. Père Pardo, la science, la sagesse, le dévouement. Sebastiana, l'ersatz de mère, la dévolue.
Tous là pour le pousser ou le retenir, le cajoler, le faire grandir et le protéger.

C'est un livre, une vie, avec ses pans tus, avec ses cris, ses souffrances, ses joies. Il dégage un vécu lourd et réaliste mais sans jamais haïr, sans jamais cracher, sans jamais stigmatiser. Ecrit avec beaucoup de sensibilité et de simplicité, ce roman de Michel Del Castillo touche sans larmoyer. Très beau.

Bluewitch - Charleroi - 45 ans - 29 décembre 2004