Au démêloir des heures
de Claude Luezior

critiqué par Débézed, le 19 juillet 2023
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
Trouver l'espoir dans un ailleurs
Claude Luezior est mon voisin helvète, il a longtemps pratiqué la médecine dans les plus grands établissements dont certains américains, avant de s’adonner à l’écriture. Je l’ai découvert à l’occasion de la publication d’un recueil d’aphorismes, « Emeutes – Vol au-dessus d’un nid de pavés », dans la collection Les P’tits cactus de Cactus inébranlable éditions et de l’édition d’un superbe recueil de poésie, « Sur les franges de l’essentiel », par les Editions Traversées. Aujourd’hui, je le retrouve avec un nouveau recueil de poésie qui entraine le lecteur dans un autre monde, un monde onirique qu’il annonce dans premier poème liminaire en questionnant le lecteur sur le rôle du poète : « La mouvance du poète est-elle de mettre des mots sur l’indicible, de tailler avec le burin de son verbe un magma en jachère ? ».

Dans des poèmes construits avec des vers très courts, deux ou trois mots, parfois un seul, rarement plus, il évoque le rêve, le rêve source d’une autre façon de vivre, d’autres angoisses, d’un autre espoir aussi … « … / Le rêve / distille / cette jumelle / qui somnole / en cet autre moi / de tous les impossibles ». Soignant il a connu la souffrance de ses patients avant de la connaitre lui-même. Il sait les nuits remplies de cauchemars : « en meutes carnassières / des cauchemars inassouvis / sans cesse à la maraude / traquent mes chairs ». Il a vu les somnambules déambuler hagards dans les couloirs : « « … // quelque part / là, ici, ailleurs / et partout à la fois / rôde le somnambule ». Et certains ont même connu le délire : « … // le voilà / qui transgresse / et célèbre / une fête des fous / frappe-t-il au carreau ? / est-il feu-follet / loup garou / habité par l’esprit / on peut-être satyre / troussant / de lueurs de lune ? // …». Avant que l’aube salvatrice annonce une nouvelle journée de vie avec tous les espoirs qu’elle comporte : « encore poisseuse / de ses miels / presque translucide / en la nurserie / de l’aube qui s’éveille // … ». « Déjà s’éloigne / tout là-bas /le totem de la nuit / clouté de planètes / et d’étoiles malingres / … ». Une aube qui ne laisse aucun temps au rêve qui ne serait que perte de temps : « pas le temps ! // même de rêver / temps perdu / …. // même de penser en rêvant / n’est-ce perte de temps ? / … »

Dans ses vers, Claude cherche ce nouvel espoir, cette façon de vivre encore, de vivre en écrivant des vers nourris de belles assonances et allitérations, musicaux, fluides, et joliment rythmés. Et si la vocation du poète était de mettre des mots d’espoir sur les plaies de ceux qui souffrent ?