Je ne suis pas là
de Lize Spit

critiqué par Pucksimberg, le 9 juillet 2023
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
L'être aimé, cet autre
Léo travaille avec Lotte, dans un magasin de vêtements pour femmes enceintes. Elle est en couple avec Simon depuis 10 ans. On croit toujours connaître parfaitement celui ou celle avec qui l’on vit, pourtant les grands écrivains ont souvent démontré le contraire. Un soir, Simon rentre avec un nouveau tatouage inattendu, derrière l’oreille. Son caractère semble avoir changé, il fait preuve d’excitation et éprouve le besoin irrépressible de changer de profession. Le roman s’ouvre sur un sms de Lotte que reçoit Léo et qui la pousse à partir dans une course folle à bicyclette.

Le roman n’est pas linéaire du tout. Le lecteur découvre lentement le présent car l’écrivaine évoque de nombreux épisodes du passé, qui permettront d’expliquer pour quelle raison Léo a cédé à la panique. Le lecteur apprend des éléments sur l’enfance des personnages, sur la rencontre entre Léo ( diminutif de Léonie ) et Simon, sur leurs points communs, sur leurs parents, sur le couple Lotte – Koen … Par ce biais, un climat d’attente est créé. Lize Spit dissémine certains détails dans ses chapitres qui feront sens plus loin. Il n’y a pas beaucoup de personnages, donc il est facile de se repérer dans ce roman même si l’histoire n’est pas chronologique. Ainsi, le lecteur s’interroge, imagine la suite, se retrouve face à des incertitudes, en vient même à douter de la véracité de certaines affirmations. Cette façon de faire qui donne envie au lecteur de poursuivre sa lecture rappelle les ressorts du cinéma ou de certaines séries télé. Le roman est assez épais, pourtant le lecteur risque de le dévorer rapidement.

Je ne veux pas dévoiler les thèmes principaux du roman car ils pourraient révéler ce qui fait l’intérêt de ce roman, voire même éclairer sur les zones d’ombre du texte. Le roman repose sur une fine analyse des comportements et des troubles. Le lecteur est parfois même déstabilisé tant il est immergé dans une logique qui n’est sans doute pas la sienne. Les moments de gêne et de tensions sont palpables. Lize Spit est parvenue à dépeindre avec justesse les rapports humains et cette descente aux enfers. Le lecteur qui s’intéresse à la psychanalyse pourra apprécier vivement ce roman.

L’écriture est simple et permet de dynamiser le texte. Elle est travaillée de façon à faire de ce roman un page-turner. Malgré l’efficacité, ce n’est pas une écriture à laquelle je suis sensible. J’ai tout de même pris plaisir à lire ce roman en 5 jours. C’est un roman qui repose sur des sentiments amoureux, sur l’identité, sur la place parfois difficile à avoir dans un couple et sur d’autres points plus essentiels qui le lecteur découvrira par lui-même.
Histoire d'une descente aux enfers 6 étoiles

Simon et Léo forment un couple plutôt isolé. Ils se sont rapprochés à cause de leurs mères décédées et se sont éloignés de leurs pères. Léo a fait des études cinématographiques, mais n’a trouvé du travail que dans un magasin pour futures mamans. Sa meilleure amie Lotte est aussi sa collègue. Leurs compagnons sont collègues. Un jour, Simon décide sur un coup de tête de démissionner. Il s’emballe pour un projet de dessins de tatouages et engage de grosses dépenses pour lancer son affaire. En parallèle, il développe une paranoïa de plus en plus forte envers Koen, qu’il accuse de l’avoir harcelé lorsqu’ils étaient à l’école. La psychose de Simon prend petit-à-petit de l’ampleur et il finit par faire une crise qui l’envoie à l’hôpital pendant plusieurs mois. Léo ne vit que pour Simon, se sacrifiant entièrement pour lui et s’illusionne en pensant retrouver un jour le Simon qu’elle a connu au début. Cette abnégation en devient écœurante, tant ce personnage s’efface littéralement pour tenter vainement de sauver son compagnon ! Elle est pour lui tantôt une mère tantôt son contraire pour tenter de garder l’équilibre.
J’aime beaucoup le style de Lize Spit, émaillé d’analogies savoureuses (ex. : « Si seulement on pouvait acheter des pilules de confiance (…) La confiance, c’est comme un pansement : une fois arraché, ça ne colle plus jamais bien. »). Ce roman est tragique de vérité et l’auteure a dû très bien se documenter pour l’écrire… ou le vivre. Cependant, j’ai trouvé cette histoire trop triste, trop désespérée et le roman trop long.

Pascale Ew. - - 57 ans - 5 septembre 2024


itinéraire d'un bipolaire 10 étoiles

Un roman dont on ne sort pas indemne . Est-ce à cause de certaines ressemblances avec sa propre vie ? Cette histoire va me poursuivre encore longtemps .

Il s’agit de la vie d’un couple hyper fusionnel, Léo(nie) et Simon, où chaque moment passé ailleurs est soigneusement répertorié . Chacun sait ce que l’autre est en train de faire . Jusqu’au jour où l’un des deux, à savoir Simon, ne donne aucune nouvelle de sa soirée . Lorsqu’il rentre enfin, il s’est fait tatouer derrière l’oreille . Et à partir de ce moment là, ce sera la descente aux enfers . Il ne sera plus jamais le même. Léo(nie), sa compagne cherche à comprendre mais la situation va empirer de jour en jour . Simon, un graphiste de talent, démissionnera de la société dans laquelle il travaille et décidera de lancer sa propre entreprise de tatouage . Il travaille jour et nuit, écourte ses nuits , jusqu’au moment où il faudra l’interner . "Bipolaire" dira le psychiatre . "Paranoïaque" aussi. Il est persuadé qu’il est suivi, que des caméras le filment en permanence, que son ex collègue Koen, veut s’approprier son talent . Cela en devient tragique et la pauvre Léo(nie) persiste à le défendre , persuadée qu’à l’aide d’une pharmacopée ,elle retrouvera le Simon d’avant , qu’elle a aimé et aime encore plus que tout . Elle lui pardonne tout, même l’assassinat, sous la torture ,de Daan, leur petit chat .
Certains passages m’ont mise mal à l’aise. Ce couple fusionnel, n’a pas d’amis sauf la collègue de Léo (nie) , Lotte et son conjoint Koen, l’homme détesté par Simon, qu’il soupçonne de vouloir lui voler ses découvertes .

Les relations du couple sont mises à nu et m’ont aussi déstabilisées . Trop personnelles et trop anti pudiques.

À retenir dans ce livre : l’écriture. J’en ai rarement découvert une aussi magnifique imaginative, intelligente, métaphorique . Chaque phrase est un bijou de recherche créative .

Je serai plus pessimiste sur les soins prodigués à Simon pour se sortir de cette maladie mentale. Et aussi pour cette amitié qui persiste entre Léo(nie) et sa collègue Lotte qui lui conservera son attachement jusqu’au bout alors que le danger est flagrant et bien réel .

Ce livre de plus de 500 pages est construit comme un thriller : Les 10 derniers mois de cette relation fusionnelle, mixés et alternés avec les dernières 10 minutes pour éviter le pire .

Un talent d'écriture hors du commun qui laisse pantois..

Darius - Bruxelles - - ans - 2 janvier 2024