Chien Blanc
de Romain Gary

critiqué par Grass, le 10 novembre 2004
(montréal - 46 ans)


La note:  étoiles
moi, moi, les autres, moi et moi
Je ne suis pas un connaisseur de Gary, je lui voue le respect de base pour la grandeur de son oeuvre et tout, comme le reste de la planète, j'ai lu "La vie devant soi" et j'ai adoré, et je sais très bien qu'il ne faut pas m'attendre à lire le même genre de livre avec ses autres titres.
Mais ce livre-ci, qui prend davantage les couleurs d'une autobiographie socio-politique désordonnée que celles d'un roman comme il est mentionné, m'a semblé être l'oeuvre d'un auteur qui n'a plus rien à prouver (aucun doute) et qui ne s'est pas forcé outre mesure. Que les inconditionnels me jettent la première pierre.
Derrière l'idée -- absolument excellente -- d'un chien raciste et des tentatives pour le remettre sur la bonne voie, Gary se lance dans une analyse de la société américaine vis-à-vis des noirs. Mais Gary -- qui n'est ni noir, ni américain, mais euh, français, euh, juif, euh, russe, bon il est "un peu tout" -- se promène au-dessus du problème avec l'implication qu'il veut bien, avec l'attitude légère de celui qui s'offre un voyage en Asie, comme ça, pour se changer les idées.
L'histoire va n'importe où, à la guise de l'auteur, on nous amène tout plein de personnages qu'on ne nous présente même pas, on change de lieu sans avertir (pourquoi ce voyage à Paris...), vraiment, j'ai l'impression que pour bien comprendre ce livre, il faut avoir été Romain Gary, et ça, c'est pas donné à tout le monde.

Si Gary avait vraiment fait de ce livre un "roman", j'en aurais probablement encore le souffle coupé tellement l'idée initiale est bonne. Je sais que je ne suis peut-être simplement pas tombé sur le bon livre, je sais que je peux avoir des centaines de pages de bonheur à travers l'oeuvre de Gary mais bon, je sens que j'ai un petit deuil à faire.
La condition des Afro-Américains 9 étoiles

Romain Gary prend effectivement un étrange prétexte pour évoquer un problème politico-social profond qui agite les Etats unis des années 1960, où il exerce des fonctions diplomatiques, en tant que consul de France à Los Angeles. Il adopte un chien abandonné qui s'avère être raciste. Il tente de le faire dresser, mais son âge ne permet pas un nouveau conditionnement, ce qui place son maître de hasard dans une situation très inconfortable, surtout la première fois où il constate ce fâcheux travers, dont est victime le pisciniste venu faire des contrôles dans la villa de l'écrivain.
Cela invite ce dernier à une étude politico-sociale poussée sur l'intégration progressive des Noirs, les suites de l'abandon de l'esclavage, les débats sur la discrimination positive et l'intervention au Vietnam en arrière-fond. Il est tenté de faire un parallèle avec la considération des Juifs en France, sujet qui le taraude inévitablement. Aussi son pays se retrouve-t-il agité par la grève étudiante, au sein de laquelle il est pris à partie par la jeunesse pour son rapprochement avec André Malraux, chez qui il accepte de bonne grâce de noter certaines contradictions entre l'écrivain et le politique.
Ces détours servent à ouvrir un débat sur les questionnements identitaires des Etats, sur la place des minorités, sur le fondement de leur système démocratique, leur acceptation de l'égalité, comme du changement. Il s'ensuit un ouvrage étonnamment construit qui pose des interrogations essentielles de philosophie politique, de philosophie du droit et d'histoire contemporaine. Il me paraît donc important.

Veneziano - Paris - 46 ans - 29 décembre 2019


L'incompréhension d'un dressage aux tendances racistes 10 étoiles

Tout d’abord, je tiens à dire que Romain Gary excelle totalement dans l’écriture autobiographique. D’ailleurs, tous les livres que j’ai lus de lui étaient écrits à la première personne. Comme il le dit : ça l’aide à évacuer beaucoup de chose. Ses remarques sont souvent pleines d’humour mais surtout lucides et intéressantes. De plus, Romain Gary a des choses dire dans ce livre.
L’idée principale du chien dressé pour agresser les Noirs est percutante et symbolique. Le chien a une rage automatique, sans raison envers les Noirs. Il est là, il aboie, il bave. Mais ce n’est qu’un pauvre chien. Pourquoi réagit-il comme cela ? Eh bien parce qu’il a été dressé, façonné pour être en quelque sorte un chien raciste. Dans ce livre on parle légèrement de manipulations, de coups pour monter les Noirs contre les Blancs, les Blancs contre les Noirs, les Noirs contre les Noirs, les Blancs contre les Blancs. Manipulation n’est qu’un vague synonyme du mot dressage de toute façon.
Romain Gary, qui récupère le chien, essaye de le soigner, de guérir sa haine aveugle en quelque sorte. Pour cela, il le confie à un Noir qui va en faire une affaire personnelle. S’en suivent divers épisodes de la vie de Romain Gary aux Etats-Unis dans les années 67, 69. Il nous narre une opposition compliquée et nous voyons bien, tout le long du roman, que s’extirper d’une telle situation nécessite sans conteste, une patience et une diplomatie inexorable.
Le livre est donc intéressant car il devient aussi une sorte de témoignage « historique ». Notre culture générale n'en sort que plus forte et sachez (bien que certains s’en foutent) que j’ai appris un grand nombre d’éléments à la lecture de cet ouvrage.
Mais surtout, ce qui m’a frappé dans ce roman, c’est la chute. Je ne vais pas vous la dévoiler, ce serait du gâchis. Mais, cette fin est si forte, que je conseille à celui qui à l’occasion de lire « Chien Blanc » de le faire sans hésitation. C’en est mon Romain Gary préféré. La réflexion et l’étonnement sont au rendez-vous. J’espère que vous y penserez.

Au plaisir de critiquer une lecture incomparable…

Benson01 - - 27 ans - 6 mars 2013


humour sur sujet grave 10 étoiles

Chien blanc serait un livre fourre-tout si ce mot n'avait pas une connotation quelque peu péjorative, s'y promène un narrateur espiègle mais juste sur le regard qu'il porte sur l'homme.
Il virevolte avec humour d'un combat à un autre, refusant de se borner à une seule vision, un seul mode de pensée. Il nous invite modestement à le suivre dans cette farce qui n'en a que la forme.
C'est un récit vif, intelligent et frais sur la différence.

Cafeine - - 49 ans - 19 septembre 2011


La morale selon Romain Gary 10 étoiles

Voici tout simplement mon livre préféré de Romain Gary, un, sinon mon auteur préféré.

Oui c’est un livre sacrément bizarre. Gary, ambassadeur aux USA nous parle de ses petits soucis. Un domicile qu’il fuit parce que devenu le lieu de réunions du Black Panther à l’initiative de Jane Seberg sa femme. Il adopte un chien qui s’avère être un berger de la police anti-émeute dressé contre les noirs. Il se met en tête de corriger le dressage du chien et on verra à la fin ce qui se passera. Entre temps un passage que j’ai trouvé hilarant où Gary (toujours ambassadeur) de passage à Paris en plein mai 68 vient se prendre un coup de matraque par un CRS et ira féliciter le sergent du zèle de ses troupes.

Yeaker - Blace (69) - 50 ans - 4 août 2010


Un étrange prétexte 8 étoiles

Romain Gary a trouvé le moyen de nous donner sa vision de la société américaine au moment des émeutes raciales : il trouve un chien, conditionné pour attaquer les Noirs, véritable symbole de la répression que subissaient les Afro-Américains alors. Il essaie à tout prix de le changer.
Ce que j'aime dans ce livre, tout en méandres, où se mêle politique, confessions sur son couple et considérations sur une société, c'est l'absence d'hypocrisie et l'humour de l'auteur.
En réalité, on ne sait pas trop où R. Gary veut nous emmener, on se laisse guider, et on est étonné par la lucidité et l'humanité de l'écrivain sous son apparent détachement.

Rosielavraie - - 47 ans - 25 juillet 2010


Un homme dans le regard d'un chien 7 étoiles

C'est l'histoire de Batka, un chien, ou plutôt un exemple de la capacité de la bêtise humaine. Ce chien que Romain GARY a adopté à l'improviste, semble avoir été dressé pour attaquer les noirs. Révolté par ce constat, son nouveau maître entreprend de "soigner" l'animal malgré son âge avancé et un comportement ancré depuis des générations de chiens policiers.

L'écriture de Romain GARY et surtout sa personnalité sont très singulières. Un lecteur averti pourrait reconnaître sa patte à couverture masquée.

J'ai été encore une fois scotchée par la manière qu'il a d'analyser les choses, les comportements humains et bien sûr, son amour incommensurable des animaux m'a émue. Je n'ai pas tout compris sur les références politiques et sociales de l'époque à laquelle il fait référence mais à l'instar des "Racines du ciel", ce livre est indélébile. Les répétitions sont toujours un peu trop nombreuses et les phrases en anglais systématiques ne m'ont pas parues indispensables mais cette autobiographie partielle m'a imprégnée profondément.

Lindy - Toulouse - 45 ans - 9 mai 2010


Variable 8 étoiles

Le "héros" est un chien (bien adulte) que Gary recueille. Ce chien est adorable la plupart du temps mais il a été dressé "anti-noir", et fameusement bien dressé. Gary va donc essayer de le faire dé-dresser...
Mais ceci est surtout un prétexte pour parler de son expérience et de sa vision du problème de l'intégration (ou du manque d'intégration) des Noirs dans la société américaine de la fin des années 60. Certaines scènes et anecdotes sont très marquantes.
Sous sa plume, tous les Blancs ne sont pas mauvais, tous les Noirs ne sont pas bons (loin de là). Il nous parle de ses rencontres. Et certains passages sont assez géniaux!

Gros regret : vers la fin, Gary passe par Paris en plein mai 68... Et là il est en pleine digression, ça n'a plus grand chose à voir avec le reste (je trouve du moins), et puis c'est difficile à comprendre pour un belge qui avait " - 11 ans" à cette période... Ca ne dure que 20 pages mais ça en parait 100. Et ce qui est dommage, c'est que c'est quasiment à la toute fin et que donc on garde ça en tête longtemps... Ca ne me semblait vraiment pas nécessaire du tout.

Mis à part ça, je vous le conseille. Et jusqu'au bout parce que les cinq dernières pages sont renversantes...

Manumanu55 - Bruxelles - 44 ans - 13 décembre 2007


Document 6 étoiles

Roman intéressant en particulier parce qu’il est largement autobiographique. Il nous présente Romain Gary et son épouse Jean Seberg à Los Angeles en 68 et nous raconte cette aventure ainsi que leur vie là-bas.
Pour ce qui est de l’histoire de Chien Blanc (Batka), la voici en deux mots : Gary recueille un berger allemand très costaud, extrêmement gentil, et une histoire d’amour se noue tout de suite entre eux deux.
Cependant, il apparaît bientôt que ce chien est très gentil avec tout le monde, sauf avec les Noirs pour lesquels il représente un vrai danger. En consultant un spécialiste des animaux, Gary apprend qu’il a adopté un «chien blanc», ce qui signifie que c’est un chien qui a été spécialement dressé pour attaquer mortellement tous les Noirs qu’il rencontrerait. La solution raisonnable serait de le faire piquer mais, au nom de la responsabilité qu’il a vis-à-vis de tous ceux qu’il a adoptés, Gary s’y refuse et tente au contraire de le faire rééduquer, ce qui est réputé impossible.
Pendant ce temps, nous suivons la partie de la vie de Romain Gary qui se passe auprès de son épouse, l’actrice Jean Seberg, qui soutient de son argent et de ses convictions les mouvements de lutte contre la ségrégation raciale. C’est l’époque de Martin Luther King et de Malcom X. La situation est explosive et il est aussi difficile d’être un Blanc qui veut aider les Noirs que d’être un Noir. Seberg participe de toute la force de ses convictions, Gary, lui, reste en retrait car, s’il rejette toute idéologie raciste, il sait aussi qu’il y a autant de salauds des deux côtés et que ceux qui traînent dans le sillage des stars du cinéma telles que son épouse, songent plus à s’emplir les poches qu’à servir un idéal.

J’ai bien aimé ce livre et je l’ai trouvé très intéressant. Il est très révélateur de la vision que Romain Gary avait de lui-même et il apporte de nombreux renseignements sur sa façon de vivre à ce moment là. Sa bougeotte à travers le monde, par exemple, parce que quand il s’en va un peu pour changer d’air, lui, c’est à quelques milliers de kilomètres et pour quelques semaines. J’ai aimé le rapport aux hommes et aux bêtes qui y est présenté. Ceci dit, c’est vrai qu’il y a quelques longueurs dans la deuxième partie, mais pas au point de rendre le livre pénible à lire. Cela ne m’a pas vraiment posé problème.

PS : Consul Général de France à Los Angeles pendant des années, Romain Gary me semble qualifié pour parler de la situation là bas.

Sibylline - Normandie - 73 ans - 11 février 2006