Danse de la vie brève
de Hubert Antoine

critiqué par Pucksimberg, le 27 mai 2023
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
Un roman palpitant dans un Mexique à la fois violent et spirituel
Melitza, une jeune mexicaine, a laissé trois carnets en 2006 avant de mourir violemment. Suite à un traumatisme, son père lui a conseillé d’écrire dans une visée thérapeutique. Ce dernier lit les carnets laissés par sa fille et parfois intègre à ces confidences des remarques en italique afin d’apporter des précisions. Le roman se déroule au Mexique, entre expériences hallucinogènes et violence policière, entre révolte populaire et amour pour Evo, ce jeune homme charmant rencontré par hasard … Ces confidences sont liées aussi aux croyances mexicaines, baignent dans une atmosphère qui reflète une région précise de ce pays multiculturel, illustrent une relation père-fille assez originale mais surtout touchante, mettent en scène une relation homme-femme qui ne répond pas forcément à ce que nous imaginions, et puis c’est surtout aussi le récit d’une cavale … Je reste volontairement flou pour ne pas dissiper le charme de ce roman.

Ce roman se lit avec un grand plaisir car il possède de nombreuses qualités.

Tout d’abord l’histoire est passionnante, tout comme l’Histoire du pays et de cette région qui ne nous est pas familière. Les péripéties s’enchainent en de courts chapitres et le lecteur ne voit pas le temps passer tant il est pris par l’intrigue. Les personnages sont suffisamment attachants et atypiques pour attirer notre sympathie et notre intérêt. Certaines scènes sont dures mais nécessaires pour justifier certains épisodes. Le trio du père, de sa fille et d’Evo fonctionne très bien. A ces personnages viennent s’ajouter d’autres personnages secondaires, tout aussi intéressants et riches. J’ai redouté un moment que le roman ne soit qu’un prétexte pour présenter l’histoire et les usages mexicains, mais ce n’est pas le cas. Le lecteur aura ces informations, mais ce n’est pas l’enjeu de ce roman.

Ensuite, j’ai été très sensible à l’écriture de Hubert Antoine, qui peut être parfois très poétique avec des images audacieuses ou novatrices. Il possède cette capacité à rendre tangible ce qui aurait pu être difficile à conceptualiser pour le lecteur. L’inclusion des commentaires paternels en italique permet de faire des incursions dans plusieurs instances temporelles, mais aussi d’avoir un regard extérieur qui complète notre compréhension des divers épisodes. Ceux-ci sont menés intelligemment. L’auteur ne tombe pas dans certaine facilités narratologiques. Le rythme qu’il nous propose fonctionne très bien et sa façon de narrer est réussie.

Le personnage d’Evo est assez fascinant. Il intrigue Melitza mais il nous intrigue aussi. Il ne rentre pas dans notre grille de lecture européenne, il surprend par ses réactions et pourtant il nous touche par sa façon d’agir.

Ce roman est réussi. Il a reçu le prix Rossel 2016 et mérite vraiment l’intérêt des lecteurs, tant pour son écriture que pour l’intrigue. La fin du roman et la postface donnent aussi une couleur particulière à ce roman.