Dialogues des morts sur l'amour et la jouissance
de Muriel Pic

critiqué par JPGP, le 15 mai 2023
( - 77 ans)


La note:  étoiles
Muriel Pic et les ombres qui dansent
Dans ce livre tout un univers de mystère est généré par des dialogues et des récits de rêves un peu à la manière des contes et légendes qui se transmettent de bouche à oreille. Les paroles que s’échangent les morts et les récits de rêves se développent de manière incisive, parfois absurde (comme c'est le cas dans les songes), avec parfois une morale plus ou moins bringuebalante pour pimenter le tout.

Georges Bataille - en connaisseur - converse sur l’amour et la jouissance avec Timothy Leary et Edith Piaf, Rosa Luxemburg avec Nelson Mandela, Victor Hugo avec Nina Simone, Maya Deren avec Mahatma Ghandi. Il s'agit chaque fois de réenchanter un monde qui en a bien besoin en de telles dérives où l’amour et les genres, les émotions, la mort, la folie du monde, sont revisités par la poétesse ailée et vagabonde..

Le réel est mis à distance là où le langage crée une vérité moins d'apparence que de filiation et un paysage-affect pour nous faire entrer dans sa lumière. Cette recréation dans ces dialogues des morts devient un mémoire érotique mais aussi conceptuel qui vise à affecter le réel.

Chaque "entretien" provoque un arrêt, une stupeur possible par ce qui est. Là où tout est transformé en un réel improbable mais qui nous paraît, cependant, familier. Des telles "stances" font apparaître ces fragments hors de l’habitude que nous avons de l'apparence. De telles considérations soudain et en déit de leurs racines n'ont ni reflet ni double, elles n’existent qu’en et par elles-mêmes.

Le "Légendaire mensonger" a donc de beaux mots devant lui. Le spatial et le temporel prennent un caractère spécial. Le paysage aussi. Mais il n'est pas jusqu'au sexe et aux seins de devenir dans leurs voyelles et consonnes, des graines de pupilles jusqu'à l'iris et ce pour atteindre des lieux où d'une certaine façon nous n'arrivons jamais.

Jean-Paul Gavard-Perret