Eskhatiaï
de Cathy Garcia

critiqué par JPGP, le 13 mai 2023
( - 77 ans)


La note:  étoiles
Les femmes : Cathy Garcia-Canalès
Les poèmes de Cathy Garcia tourne autour d’elle-même mais sans la moindre effusion de l’égo. Saurons-nous tout d’elle ? Non sans doute. Mais sa silhouette féminine est mise à nu comme de l'intérieur dans un mouvement poétique rappelant parfois des "glissements" à la Bacon par des effets de déchirures qui ramène l’être à sa douleur, à sa solitude.

Par sa voix de fantômes, par ses belles épaules Cathy Garcia permet de faire jaillir de la masse brute de la vie l’écume des sensations et des émotions. On est « dans » la femme plus qu’autour par la présence de sa poésie tellurique puisque passé par le baptême du feu.

Cathy Garcia-Canalès sait qu’il n’y a pas d’avènement de la poésie sans un certain sens du rite de la fusion. Mais aussi à ce sur quoi cette fusion butte : l’immobilisation du désir et son achèvement chez l’un qui entraîne l’inachèvement chez l’autre. Mais de ce dernier émerge aussi la langage poétique. C’est sans doute pourquoi chez la poétesse la nudité n’est jamais scabreuse et ne contient rien de frelaté. Loin d’une pathologie sentimentale elle offre une sensation vitale. Même lorsque celle-ci s’affaisse sous le poids de la vie des émotions plus complexes.

Le lecteur est soumis à un régime qui oscille entre le plaisir et la douleur par effet de miroir. La poésie devient un lieu sobrement lyrique d’épaississement autant que d’éclaircissement  Chaque texte en sa concentration comme en ses élancements produit un renversement : ce qui est matière perd en densité, ce qui est de l'ordre de l'impalpable devient matière. On est là aux sources du langage : la forme décompose le monde pour le recomposer autrement et dans l’espoir de la chimérique expatriation du feu intérieur.

De la sorte l’oeuvre acquiert une vibration spirituelle mais tout autant charnelle et quasi tactile. Il ne s'agit plus de la mettre au service de quelque chose. Il ne s'agit pas non plus de lui attribuer une simple grille de lecture symbolique. La forme poétique se génère par elle-même à travers la force "intérieure" dont témoigne la créatrice. En parfaite liberté elle métamorphose le monde dans une vision aussi ironique que douce, empreint de larmes et de volupté. Il y a là des rires et des soupirs. Dans les « sonorités » de sa poésie Cathy Garcia les fait « entendre ».

Jean-Paul Gavard-Perret