Tutoiements
de Daniel Cabanis

critiqué par Débézed, le 30 avril 2023
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
Portrait oulipien en questions
Chez Louise Bottu chaque publication, ou presque, est l’occasion d’une création ou au moins d’une originalité éditoriale, pour celle-ci, l’éditeur a choisi d’imprimer le recueil en format l’italienne avec une reliure sur le côté le plus long ce qui implique que ce livre se lit horizontalement en tournant les pages de bas en haut et non de droite à gauche. Ce recueil qui se compose de quatre-vingt-dix textes, tous identiques dans leur forme : huit lignes pleines et je parierais, même si je n’ai pas compté, que chacun comporte le même nombre de caractères. Une petite contrainte oulipienne qui me rappelle, Palomar d’Italo Calvino et sa construction géométrique.

Outre ces contraintes formelles l’auteur s’en impose d’autres dans le contenu des ses textes qui commencent tous par la formule : « Tu as… » : « Tu as un chez toi… », « Tu as un travail… », « Tu as une tête… », « Tu as un nom… » « Tu as un projet… », … Comme des accusations assénées par un interrogateur : policier, juge ou autre. Chacune des ses affirmations en forme de questions est suivie d’un développement surréaliste, burlesque, incongru, …, comme un aphorismes à rallonge. Un trait d’esprit plus ou moins humoristique, satirique, sarcastique, …, traverse chacun des textes de ce recueil qui construit l’image et la personnalité d’un individu parfaitement inconnu. Une sorte de portrait-robot, non seulement physique mais aussi psychologique et comportemental, d’un citoyen plutôt vil, pleutre, peut-être mal faisant, en tout cas peu recommandable.

« Tu as un sosie : ça arrive. Pauvre gars, coup dur pour lui… ».
« Tu as un don : déplaire. Soyons précis : déplaire d’emblée. Sans calcul ni effort… ».
« Tu as une collection : …, Toi, tu collectionnes les déboires, échecs, bides, foirades et fiascos… ».

Ces quelques contraintes dans le forme et le fond des textes attestent que le caractère oulipien du texte semble bien réel, l’auteur y fait lui-même allusion : « Tu as une liste : elle est longue. Interminable. C’est mieux ainsi. Une liste riquiqui, façon bref poème, ça va pour les commissions et autres envies … mais ça reste de l’Oulipo du dimanche sous contrainte ménagère ».

Ce recueil est donc, pour moi, avant tout, un exercice de style oulipien mais aussi un clin d’œil aux surréalistes. « Tu as une pipe : eh bien cette fois, c’en est une ! … ».