Court serpent
de Bernard Du Boucheron

critiqué par THYSBE, le 7 novembre 2004
( - 67 ans)


La note:  étoiles
Mission apostolique démentielle.
Au XIVème siècle, l’abbé Montalus est envoyé par son évêque en Nouvelle Thulé au pôle Nord pour retrouver une colonisation chrétienne abandonnée de tout soutien existentiel. Sa mission est claire et ne doit pas être affectée par un comportement charitable. Il s’appliquera à exécuter cette procédure à la lettre et d’en rendre compte à la manière d’une dissection.
Tout d’abord, le voyage à bord du bateau « court serpent » met le ton aux conditions de pérennité de son équipage. L’horreur est là, et la survie de l’expédition repousse les limites de l’insoutenable. Mais, ce n’est qu’une approche de ce qu’ils vont devoir vivre. Pour asseoir sa domination, l’abbé établira des pratiques de jugement dépourvu d'indulgence, appliquera les répressions sans sommation ni état d’âme. Il s’emploiera à rendre à ces habitants, un semblant de moral et de subsistance.
Ce livre qui fait parler de lui à cette saison littéraire, vient d’obtenir le prix de l’Académie Française. Là, n’est pas le sujet de cette surprise, car l’auteur a mis tout ce qu’il fallait pour rentrer en lice avec des écrivains confirmés. Le style et le vocabulaire sont adaptés à l'époque, tout en restant compréhensibles. Ce qui surprend, c’est cette aisance linguistique pour ce Monsieur, énarque à la retraite, qui s'adonne donc pour la première fois à l’écriture romanesque à : 76 ans…
Sa plume, à la manière d’un scalpel nous fera vivre pendant 132 pages dans un déferlement d’atrocités. On sort de cette lecture ébranlé et abasourdi.
Court. 6 étoiles

Court Serpent est le nom donné à ce bateau, construit à la fin du quatorzième siècle, commandité par le clergé norvégien afin d’aller se renseigner sur leurs frères (en la foi catholique) du Groenland.
Le texte est conçu sous forme d’un rapport qui relate cette espèce de descente aux enfers de l’équipage (le froid, la faim, les maladies). Il faut s’accrocher pour imaginer les souffrances des protagonistes du récit.
L’absence totale de sentiment donne quelque chose de plus dur encore, presque mécanique.
Grand prix du roman de l’Académie française 2004, l’auteur s’est mis à l’écriture sur le tard.

Monocle - tournai - 64 ans - 28 décembre 2017


nectar.... 10 étoiles

C'est drôle, cruel, méchant même parfois, tellement la liste des accablements qui tombent sur les personnages est sans fin... Mais quelle érudition, quelle irrévérence et quelle jubilation à lire un petit roman aussi talentueux! Pour tous les amateurs de belle littérature, avec un penchant un tantinet sadique inavoué...

Victhis0 - - 58 ans - 27 juillet 2017


horrible et décevant 1 étoiles

Fort heureusement ce récit qui manque cruellement d'originalité est court ! Amputations, antropophagie, massacres, vomis, gelures, fornications...certes le tableau est d'un tel réalisme qu'un peintre aurait matière à de saisissants tableaux malheureusement morbides. Un dessinateur de bandes dessinées en tirerait un album "trash" comme on dit actuellement, mais à part ça, rien d'intéressant. Personnages inconsistants, barbares et veules. Malgré tout une écriture fluide avec le langage de l'époque.

Lectio - - 75 ans - 30 juillet 2013


Aux limites de l'extrême 9 étoiles

Ce roman a pour cadre la fin de la colonie scandinave du Groenland au XVe siècle, un événement historique dont Bernard de Boucheron a imaginé les causes et les conséquences tragiques.


Le Groenland, ou Nouvelle Thulé, a été colonisé au Xe siècle par des Vikings norvégiens au moment du Petit Optimum climatique médiéval. Les Groenlandais, devenus chrétiens au XIe siècle, disposaient d'une cathédrale et de plusieurs églises. Pendant trois cents ans, ils ont vécu comme leurs frères scandinaves pratiquant l'élevage dans deux régions fertiles du sud de l'île. Durant cette période, les Groenlandais, sont, semble-t-il, restés dépendants du commerce avec la Norvège qui leur fournissait des objets de première nécessité. Au début du Petit Age glaciaire, les traversées en bateau depuis la Scandinavie deviennent quasiment impossibles et l'économie de production doit être abandonnée . Les Groenlandais ont eu progressivement recours à d'autres modes de subsistance et ont pratiqué notamment la pêche aux phoques. Il n'ont jamais renoncé à leur culture ni adopté le mode de vie des Inuits, qui aurait pu éviter leur perte.

L'histoire est racontée selon les différents points de vue d'hommes qui ne sont pas natifs de l'île : le cardinal-archevêque de Nidaros, l'évêque Montanus et le capitaine du navire "Court serpent" sur lequel a été réalisée la traversée depuis la Norvège. Le lecteur ne perce jamais les pensées et les sentiments des autochtones qui restent aussi insaisissables et silencieux que des fantômes. Montanus, le narrateur principal, est un homme du XVe siècle qui pense, s'apitoie et punit comme on le faisait de son temps. Il reçoit pour mission la reconquête spirituelle des habitants de Thulé, privés d'évêque depuis plus de 50 ans, au moment où la famine frappe cruellement la population de l'île. Les méthodes de l'homme d'Eglise illustrent les excès du christianisme médiéval mais ont pour but d'extirper la barbarie qui sévit sous l'effet d'une pauvreté extrême. Même si les châtiments utilisés paraissent injustes, absurdes et inhumains au lecteur du XXIe siècle, Montanus éprouve une compassion sincère pour "son petit peuple" et ne ménage pas ses efforts pour rétablir l'ordre moral et civil en tentant d'apporter des solutions concrètes à ces hommes qui meurent de faim.

Les conséquences du changement climatique, telles qu'elles sont racontées dans le roman, sont terribles : les insectes, la vermine, la famine, le froid intense, l'isolement, les épidémies, les razzias des Inuits sont autant de fléaux qui s'abattent sur les Groenlandais et l'équipage de l'abbé. Dans ces conditions extrêmes, la barbarie s'installe et se diffuse : superstition, sorcellerie, lâcheté, cruauté, luxure, impiété, inceste, crime, lapidation, infanticide, parricide, anthropophagie sont les derniers sursauts d'un monde qui se meurt. Ni l'homme, ni l'Eglise, ni Dieu n'y peuvent rien. La nature reprend ses droits et l'évêque échoue dans sa mission. Lui-même, miné par les privations et le spectacle d'atroces souffrances, ne saura bientôt plus distinguer le bien du mal, tant les nuits polaires sont longues et froides.



Il faut avoir le cœur bien accroché pour suivre la descente aux enfers de ces hommes condamnés. Mais ce récit, sans complaisance, est sans doute très proche de la réalité historique. Il donne à voir ce que signifie "mourir de faim et de froid", mieux qu'aucun essai historique ne pourrait le dire. Il soulève de nombreuses questions sur la relativité du bien et du mal face à la souffrance et à la mort. "Mon coeur saigne" dira Montanus "à l'incertitude qui ne donne d'autre choix qu'entre la mort et l'impiété".
Le roman révèle finalement les limites de Dieu et surtout de l'homme.

Avada - - - ans - 28 avril 2012


Glacial, cruel, oppressant, atroce, brillant. 9 étoiles

Je sors de ce bouquin sur les rotules. Exténué par les tempêtes, le froid, la faim, les moustiques, les colonies de chenilles venimeuses et gluantes, la vermine, les fornications les plus infâmes, les massacres et les supplices du fer du feu et de la corde. Et il n’y a que 132 pages.

Bernard du Boucheron a un son, une musique hiérarchique et autoritaire, de l’autorité de Dieu, menaçante, des sanctions les plus atroces, et elle vous siffle aux oreilles et gifle le visage comme un vent de –20° à 100 km/h.

Il y a pourtant une lumière dans ce livre, celle de l’écriture du XIVème siècle la plus raffinée et érudite qui fait de ce récit une torture subtile.

Quelques mots résument assez bien le monde de Bernard du Boucheron, a vrai dire peu démocratique : “Outre un affreux massacre, il s’était rendu coupable du moins pardonnable des crimes que puisse commettre un chef, celui de vouloir plaire.“

Comme jeune auteur de 76 ans, du Boucheron a marqué un territoire littéraire confirmé par Coup de fouet et Chiens des os.

Ciceron - Toulouse - 76 ans - 7 juin 2008


Excellentissime!!! 10 étoiles

Un livre comme on aimerait en lire tant d'autres... Ce livre est prenant de bout en bout. Il nous fait visiter des contrées (géographiques et psychologiques) crument, mais peintes avec un tel réalisme. Tout paraît si simple... Un petit livre dur, concis, dense. Un joyau!

Marafabian - - 51 ans - 11 août 2006


court serpent de B. du Boucheron 8 étoiles

reliquat des damnés

Missionné par le Cardinal Archevêque Einar Sokkason, l'abbé Montagnus, doit visiter le peuple de Thulé, plus au nord que le nord limite des terres habitées. L'aventure se passe au quatorzième siècle, et l'expédition doit se réaliser avec la construction d'un navire "court serpent" suffisamment souple pour résister aux froids polaires, et ne pas se faire broyer par les glaces articales. Le voyage se révèle être de l'ordre de l'épopée, tant les conditions difficiles conduisent l'équipage jusqu'aux limites de l'humainement supportable. Tout devient impossible : naviguer, ramer, survivre, et surtout retrouver la route pour atteindre la destination. La cathédrale, monument érigé à la gloire de Dieu, sise dans un pays aride recouvert par la neige dix mois sur douze, ressemble plus à un vaisseau fantôme. Elle flotte, isolée aux fins fonds d'un fjord, tout aussi identique à la foultitude des fjords retirés, encastrés entre les monts et les falaises inhospitaliers.

Une fois le décor planté, l'auteur relate les faits, sous forme d'un rapport. Telle une "chronique de la mort annoncée" de Marquez, nous savons dès le début combien la tâche de cet abbé est voué à l'échec. Et ce constat nous incite à rapprocher cet ouvrage du film "Mission", au travers duquel Roland Joffé montre les ravages des missions religieuses, sous prétexte de civiliser les sauvages, en prêchant la bonne parole.
En fin de compte, l'ordre donné par le cardinal, n'était il pas de prendre des nouvelles de sa famille si lointaine ?

Bernard du Boucheron emploie avec justesse, une palette de vocabulaire agréable à découvrir, qui pèse néanmoins tout au long du récit répétitif. Quant aux descriptions d'horreur qu'il révèle, passé le cap des hauts le cœur premiers, elles deviennent coutumières à tel point qu'il faut se demander si la misère est synonyme d'abandon d'humanité ?
Ce livre est un travail remarquable tant au niveau de la langue qu’au niveau de l’enquête historique nécessaire à sa rédaction. L’aventure relatée reste pourtant terne et sans rebondissement.

Bertrand-môgendre - ici et là - 69 ans - 4 avril 2006


Les excès de la religion 4 étoiles

Tout comme la contrée que l’Abbé de Joug-Dieu doit purifier, le texte de Du Boucheron est revêche. En fait, c’est un énorme bloc de longues phrases qui ne nous laisse aucun instant pour respirer et qui requiert un effort de concentration herculéen. Personnellement, je n’ai pas été offensé par les atrocités qui sont le quotidien de ce périple inquisitoire car Du Boucheron possède la langue parfaitement et même les pires scènes m’ont paru poétiques !

Ceci étant dit, je n’ai pas retiré de plaisir de cette lecture. Tout est présenté à partir de l’angle de cette mission divine, comme si le lecteur devait se faire complice de ce carnage. On n'apprend rien des habitants de Thulé. Ils n’offrent aucune résistance. Il n’y a pas d’échanges entre les colonisateurs et les colonisés qui aurait pu donner une autre dimension à ce récit linéaire.

À réserver aux braves admirateurs de la littérature rigoureuse ou aux nostalgiques de l’inquisition…

Aaro-Benjamin G. - Montréal - 55 ans - 17 mars 2005


Quelle horreur ! 4 étoiles

Ce court premier roman d'un débutant de 76 ans est un des textes les plus horribles qu'il m'ait été donné de lire ...
L'abbé Montanus est missionné par son évêque pour aller réévangéliser une petite communauté chrétienne isolée très loin dans le Grand Nord , la Nouvelle Thulé . Ces colons surpris par un froid de plus en plus mordant au fil des ans ont perdu tout contact avec la civilisation et se trouvent dans une misère noire en proie aux pires tourments : le froid intense , la famine et les maladies . Ils se sont mélangés avec les "publicains" sortes de sauvages qui se nourrissent de viande crue . Ils ont oublié toutes leurs valeurs évangéliques aux profit de pratiques païennes bien proches de la barbarie : parricide , infanticide , cannibalisme , sodomie , pédomanie etc... Rien n'est épargné au pauvre lecteur !
Montano se comporte en inquisiteur sans pitié . Il traque le mal au plus profond . Il taille , tranche , exécute sans état d'âme .
Cette fable ou "parabole" bizarre ne laisse pas indifférent . On comprend bien que l'auteur ait voulu illustrer la célèbre maxime : "L'homme est un loup pour l'homme" , de même qu'il ait voulu prouver que plus les conditions de vie s'aggravent et plus l'homme devient sauvage et se rapproche de l'animal .
Mais sur 130 pages , quel concentré , quel torrent de saletés .!!! Il faut avoir le coeur bien accroché pour tenir jusqu'au bout . D'autant plus qu'on n'est pas aidé par un style qui se veut d'époque c'est à dire plutôt "compact ", sans aucun dialogue et qu'on n'arrive pas à vraiment s'intéresser au moindre personnage .
Méritait-il le prestigieux Prix de l'Académie Française 2004 ? J'en doute très fort ...

CCRIDER - OTHIS - 76 ans - 12 mars 2005


Original 8 étoiles

Voilà un livre original et fort bien documenté. Certaines scènes, d'une violence inouïe, ne peuvent nous laisser insensibles au sort de l'équipage de Court serpent. Un recours assez fréquent au dictionnaire s'impose néanmoins pour une parfaite compréhension du texte.

Palorel - - 44 ans - 29 janvier 2005


Déçu! 2 étoiles

Je m'impatientais de lire ce livre après en avoir beaucoup entendu parler, j'en espérais mieux. Le style et le vocabulaire sont d'époque mais je n'ai pas du tout été accroché par cette histoire qui pourtant, a un sujet sortant de l'ordinaire. On n'a pas le temps de s'attacher ou plutôt de s'intéresser au moindre personnage. Peut-être à cause du manque de dialogues entre eux.

Tijo - nancy - 62 ans - 14 janvier 2005