Au delà du bout du bout de la langue
de Nicolas Delarbre, Jean-Luc Delarbre (Dessin)

critiqué par Débézed, le 20 avril 2023
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
A la plume et au pnceau
Nicolas, je l’ai déjà lu, et même rencontré sur un salon littéraire, Jean-Luc je ne le connaissais pas avant cette lecture. Jean-Luc, l’oncle, c’est le peintre et Nicolas, le neveu, c’est bien sûr le poète. Ils ont réuni leurs talents réciproques pour publier ce magnifique recueil où le texte répond aux illustrations ou où les peintures répondent aux poèmes. Ca marche dans les deux sens tant les deux formes d’art se complètent et se confondent. Ca ressemble un peu à un catalogue d’exposition commenté par un poète ou un recueil de poésie illustré par un peintre. C’est un véritable ouvrage littéraire et pictural. « Au-delà du bout du bout de la langue … ou bien avant : petit carnet de révoltes, d’éludes et de dolence à si lourds ». Il est certes un peu hermétique ce petit carnet de révoltes mais aussi d’esquives et de plaintes geignardes.

Dans ce recueil, la peinture occupe une place aussi importante que la poésie, on ne sait laquelle porte l’autre, laquelle illustre l’autre, laquelle enrichit l’autre. Le texte est d’une très grande richesse : mots savants, mots rares, néologismes, mot déformés, formules de style (allitérations, assonances , …). Un vocabulaire adapté pour exprimer un monde inquiétant, étrange, le monde que Jean-Luc exprime à travers les visages qu’il a peints. Ces peintures sont sombres, souvent presque noires, parfois floues, et même quand elles sont plus chatoyantes, elles expriment encore l’angoisse, la peur, l’inquiétude, la frayeur, l’effroi, l‘incompréhension, …, un monde sans espoir ni avenir. La lecture de ce recueil d’une grande qualité littéraire et picturale laisse un sentiment d’aigreur, de désespoir, voire une réelle déception à l’endroit de ceux qui nous dirigent et de ceux qui croient écrire.

« C’en est gros texte / Mais plus c’est gros, plus ça passe // Tous ces assénements, assignements, / Cette production infernale de bons mots / Toute cette verbalité bien droite qui joue à la marchande // toutes ces petites bites / qui joue sans savoir flouer / … ». C’est rude, c’est cru, mais ça semble sincère et c’est plein de poésie, voire de lyrisme, même si c’est flou et hermétique. Ce flou et cet hermétisme expriment un monde indéfini qui s’estompe progressivement où tout se mélange et où personne ne comprend plus rien. Comme dans les vers que Nicolas construit en mélangeant diverses inspirations issues de sources très différentes. « Ils tendent la langue tirée du sac, improvisée de sans degrés, non loin de la frontière avec Celsius / …».

Le mots, Nicolas il les déforme comme Jean-Luc tord certains visage pour exprimer encore plus violement le monde qu’il dénonce, le monde dont ils semblent ne plus vouloir. « Souscrire apparemment // De la droiche vers la gaute / En partant de l’ébat // Brouiller l’écarte ». L’oncle et le neveu, le concèdent, « On cherche ça // La perte dans le labyrinthe / Le flou qui fait bondir / L’entorse à la règle ». Un peu surréalistes, un brin polémistes et surtout révoltés les deux collègues de plume et de pinceau.