Tolstoi Vivant
de André Suarès

critiqué par JPGP, le 28 mars 2023
( - 77 ans)


La note:  étoiles
Le Tolstoï de Suarès
Pour Tolstoï plus que pour tout autre philosophe ou romancier l’homme est l’animal social par excellence. Toutefois, à la cité des citoyens, il substitue la cité de Dieu. Il en croit l’heure proche si bien que le monde grec lui parait étroit. "Le petit cercle qui enferme la cité antique lui semble d’un horizon si restreint qu’il l’appelle barbare" rappelle Suarès lorsqu'il dresse un portrait étonnant de l'écrivain russe.
Jamais publié depuis 1939 ce livre reconsidère les idées reçues sur son modèle, maître et qu'il nomme "Prophète".

Loin des gloses et des commentaires Suarès rappelle ce que son oeuvre a d’essentiel et universel à savoir très humain face au "trop humain" de Nietzsche auquel il tente de dresser un démenti.

Mais sa dureté tient au fait qu'il veut aussi défendre ce qui touche la vie, la vérité et le bien en dehors du mysticisme tout en rappelant "qu'il n’est pas loisible, même aux plus grands apôtres, d’être chrétiens parfaits, "comme les solitaires". D'autant que pour lui la violence est le moteur du monde.

Il s'agit de faire accoucher un nouvel être en refusant le glaive même si toute lutte porte en elle sa dureté. Mais Tolstoï ne désespère pas sans être pour autant "de ces enthousiastes qui se nourrissent d’espérances". "Sa vie est triste" souligne Suarès. Mais il a Dieu pour lui. Pas celui des mystiques mais de ceux qui agissent.

Tolstoï n'a cessé de le faire quitte - et c'est là son ombre - jusqu'à humilier de trop près ses voisins, ses parents, ses proches. Un tel homme puissant fut difficile à vivre. Mais sa femme ("à l'âme trop petite" ajoute Suarès) lui accorda par amour une servitude sans se débattre "contre la tyrannie d’une force supérieure"....