Alexandra Kollontaï: La Walkyrie de la Révolution
de Hélène Carrère d'Encausse

critiqué par Colen8, le 22 mars 2023
( - 82 ans)


La note:  étoiles
Grande figure oubliée
Trois engagements auxquels elle ne faillira jamais caractérisent la vie tumultueuse dont témoigne la biographie d’Alexandra Kollontaï (1872-1952). La protection de son fils Micha et de sa famille même si elle ne les voit qu’épisodiquement, la revendication du droit des femmes à s’épanouir hors mariage quitte à faire prendre en charge leurs enfants par la collectivité, la Révolution russe puis soviétique jusqu’à sa mort à 80 ans.
Indépendante à l’exemple de sa mère, reniant ses origines aristocratiques tout en vivant sur leur fortune au décès de ses parents la jeune Alexandra endosse cette agitation socialiste déjà largement répandue dans toute l’Europe. Dès l’âge de 30 ans son militantisme révolutionnaire hyperactif s’étoffe pour ne plus la quitter. Ecriture, voyages, rencontres d’intellectuels, conférences puis engagement politique seront son quotidien.
En 1905 encore loin de Lénine qu’elle rejoindra plus tard on la voit suivre avec passion les mouvements sociaux dont elle deviendra une figure marquante. Plusieurs années lui seront nécessaires pour gagner la confiance de Lénine exilé en France et ailleurs, entrer dans le cercle étroit de ses proches, puis jouer son premier rôle politique dans la révolution bolchevique d’octobre 1917 en devenant commissaire du peuple.
La chance lui ayant permis d’échapper des décennies durant aux purges de Staline à l’encontre des anciens partisans de Lénine et de tous les opposants réels ou supposés fut d’être nommée ambassadeur de l’URSS dans les pays scandinaves, Norvège, Suède, Finlande grâce à sa parfaite connaissance de leurs langues en plus des autres, français, anglais, allemand. Née deux ans après Lénine, elle meurt deux ans avant Staline.
la bibliographie d'une révolutionnaire 9 étoiles

Alexandra Kollontaï
La Walkyrie de la Révolution
éditions Pluriel
277 pages
novembre 2022

Le destin d'une féministe révolutionnaire


Alexandra Kollontaï qui a joué un rôle éminent pendant la révolution russe et après, est peu connue du grand public.
Bolchevik dès 1915, révolutionnaire bien avant le déclenchement de la Révolution, elle est, de tous les compagnons de Lénine, la seule à mourir dans son lit !
Certains commentateurs peuvent citer Molotov mais celui-ci eut un rôle obscur en 1917 et ne commença sa carrière « révolutionnaire » qu'en 1921.
L'auteure de ce livre qui, décédée il y a peu, était une grande historienne de la Russie nous livre une bibliographie riche et passionnante de cette femme née aristocrate qui n'eut cesse de choisir et de défendre la révolution.

Très bonne oratrice, écrivaine de talent, intellectuelle maîtrisant quatre langues, le Russe bien entendu mais aussi l'anglais, l'allemand et le français, Alexandra Kollontaï - portant le nom de son premier mari - fut une femme d'action, de réflexion .
Elle s'est engagée au début chez les mencheviks mais opposée résolument à la guerre impérialiste commencée en 1914, elle rallie les thèses de Lénine et joue un rôle important durant la révolution d'octobre.
Femme de conviction, elle s'oppose courageusement ensuite à Lénine, contre la NEP et est la principale dirigeante de l'opposition ouvrière.
Alors que beaucoup de ses amis tombent en disgrâce et perdent la vie en étant mis à l'écart par Lénine puis liquidés par Staline, elle réussit à passer dans les trous du tamis infernal.

Elle obtient une place et une fonction originales comme ambassadrice dans les pays nordiques à la mort de Lénine avec le soutien de Staline.
Pourquoi un tel soutien ?
Staline , liquidateur de toute la vieille garde communiste, a compris que cette femme à l'immense talent peut lui être utile.
Il suffit de la cantonner dans des responsabilités limitées et de la faire surveiller.
Elle se méfie, prend des précautions et essaie avec quelques succès d'être utile. C'est ainsi qu'elle réussit à ce que la Finlande ne subisse pas le sort des pays européens centraux à la fin de la guerre.
Elle a failli même recevoir le prix Nobel de la paix !

Pour Alexandra Kollontaï qui a une vie amoureuse personnelle très variée et libre, se liant à des compagnons de vie politique, le féminisme communiste ne doit pas s'allier au féminisme bourgeois.
Autrement dit, la libération sociale et la révolution sociale vont de pair avec l'égalité des droits .
Elle est très avancée et jamais n'a faibli sur ce terrain.
Elle est contre l'institution du mariage, pour elle, le modèle « familial » devait être celui-ci :
«  Deux membres de l’état ouvrier, unis par l'amour et le respect, libérés de la jalousie, les femmes n'étant plus dépendantes des hommes et par là devenues leurs égales. »
L’état devait « fournir aux femmes les moyens matériels d'élever leurs enfants sans en avoir la charge. »

Si Staline a expulsé Alexandra Kollontaï de l'histoire du Parti, la déstalinisation et l'histoire ont condamné Staline alors qu'Alexandra Kollontaï avec son action, son histoire et ses écrits reste une grande révolutionnaire qui est restée fidèle à son projet d'être avec le peuple.

Jean-François Chalot

CHALOT - Vaux le Pénil - 76 ans - 20 août 2023