Guerre contre la bêtise
de François Laurent

critiqué par Débézed, le 15 mars 2023
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
De l'oral à l'écrit
Heureux d’accueillir un nouvel arrivant dans l’emblématique collection Les p’tits cactus de Cactus inébranlable éditions que je lis assidûment presque depuis sa création, en la personne de François Laurent que l’éditeur présente comme Feu l’Ami Terrien. François est issu de la poésie oratoire, il a longtemps animé la scène du slam à Liège qu’il a délaissée le temps de l’écriture de ce recueil consacré, comme il se doit, à la forme courte à travers la production d’aphorismes. Il puise son inspiration dans la vie quotidienne, les faits de société dans toutes leurs dérives, la philosophie et les religions la vie intime et bien sûr la littérature dans sa forme courte surtout. j’ai choisi quelques exemples pour illustrer cet inventaire :

La vie quotidienne, les petites et les grandes choses qui meublent notre vie et surtout la sienne :
« J’ai fait mes lacets dans les montagnes, maintenant je veux des nappes sur la plage ».

La vie en société, toutes les dérives politiciennes, économiques, sociologiques, … :
« Gouverné par des pieds, on marche sur la tête ».
« Là où ils cassent les prix, la misère recolle les morceaux ».

La philosophie, les religions, l’art de vivre et un zeste de grivoiserie :
« Même mort, je continuerai à rire. / Le néant m’a toujours chatouillé… ».
« Les petits plats font les gros ventres ».
« Les filles du docteur March cherchent un golfeur performant pour cinq trous ».

La vie intime, l’amour, la mort … :
« Elle était le visage même de la maternité depuis qu’elle s’était fait faire un nouveau-né ».
« Femme facile cherche home facile pour relations compliquées ».
« Jolie institutrice cherche horticulteur vigoureux pour école buissonnière ».

La vie littéraire : jeux de mots, calembours, raccourcis fulgurants, mots d’esprits :
« La nuit est tombée et personne pour la ramasser… ».
« Le poète fait des recherches avec la langue dans vos yeux et dans vos oreilles ».
« Ce matin un homme est mort de rire : une blague en pleine tête ».

L’auteur ne manque pas d’humour même s’il traite beaucoup de sujets très séreux voire graves, il conserve toujours un certain recule avec eux et se réserve régulièrement le droit et le pouvoir d’en rire, une façon de faire la « Guerre contre la bêtise ». Ces aphorismes expriment bien les spécificités de la déclamation poétique sur scène : allitérations, assonances, musicalité et rythme des textes… Pour conclure, je ne résiste pas au plaisir de citer ce dernier aphorisme qui illustre bien ce propos : « Il m’a fait un croche-pied, je suis tombé le nez dans mes notes. La musique m’a rattrapé ». Faites sonner trompettes et buccins et faites entrer les aphorismes !