Terunobu Fujimori architect
de Hannes Rossler

critiqué par JPGP, le 12 mars 2023
( - 77 ans)


La note:  étoiles
Terunobu Fujimori.: du réel au mystique
Avant de devenir architecte, Terunobu Fujimori fut un historien de l’architecture japonaise moderne. C’est à partir de 1990 qu’il imagine des constructions originales. Elles se caractérisent par l’utilisation de matériaux naturels et utilisés traditionnellement dans les constructions japonaises. Le créateur s’inspire de la nature et des traditions nipponnes, tout en apportant une touche de poésie à ses constructions, qui semblent parfois irréelles et fragiles. Il expérimente le Shibamune (technique de plantations de végétaux en poutre faîtière caractéristique de l'habitat traditionnel), le torchis, les couvertures d'ardoises, et il s'engage dans une voie qu'aucun architecte japonais n'avait explorée depuis les modernistes.

Un aspect nostalgique et poétique et une imagination débridée lui font rejeter les aspects faussement fonctionnels et purement technologiques. Le design de ses maisons et bâtiments s'inspire des formes présentes dans la nature (arbres, branches, pierres, fleurs, nids...). Il réalise sa propre maison, baptisée "Tanpopo House" (Maison du pissenlit) avant de concevoir des habitations et des édifices publics, comme le Musée Jincho-Kan Moriya Shiryo-Kan, le Musée Tenryu City Akino Fuku ou le Dormitory of Kumamoto College of Agriculture. Il a créé aussi sept Maisons de Thé, dont la spectaculaire "Takasugi-an" perchée sur pilotis ou la ´"Chashitsu Tetsu" montée sur un tronc central.

En dépit de leur exubérance formelle qui semble dégingandée toutes ces constructions sont empreintes d'un minimalisme particulier et paradoxalement d'une extrême fonctionnalité. Le débordement n'est qu'apparent. Tout est dicté par un art de vivre sans souci pour le tape à l'œil. Les architectures restent chaudes, protectrices. Elles sont devenues des modèles pour toute une génération de jeunes architectes internationaux qui trouvent dans ce mode de construction un substrat aussi écologique qu'historique à une architecture avant-gardiste.

L’architecture n’est plus considérée par Fujimori comme une façon de faire autrement, mais un moyen pour construire autre chose. Véritable poète il crée - tout en restant en symbiose avec le passé - quelque chose qui n'existait pas auparavant et qu’il découvre à mesure que son invention avance. En tant qu’historien Fujimori "pensait" l’architecture : il mettait ce concept au passé pour réfléchir sur sa signification. Avec ses constructions à l’inverse il anticipe le futur. Un réel autre se profile dans de nouveaux nids.

Jean-Paul Gavard-Perret