Des destins
de William Cliff

critiqué par Pucksimberg, le 26 juin 2023
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
Immortaliser certaines figures du passé
Le recueil de poèmes s'ouvre sur des textes qui parlent du temps qui passe et sur les regrets et les remords. William Cliff a divisé son recueil en plusieurs parties généralement consacrées à des figures qu'il a côtoyées ou plus rarement à des thèmes. Il y a une certaine nostalgie qui se dégage de ces poèmes. Il parvient à nous faire ressentir ce qu'est le manque et la résignation face à la toute-puissance du temps. Il évoquera des membres de sa famille, des hommes qu'il a rencontrés, des enseignants, des écrivains ... Il semble leur construire un petit sanctuaire dans lequel ils sont évoqués dans leur globalité. Ce sont des destinées qu'il ressuscite avec cette idée que nous sommes humbles et que nous ne pouvons pas changer le cours des événements. Dieu est parfois évoqué, ce qui rappelle la petitesse de l'homme et l'idée qu'il y aurait un destin.

Dans ce recueil, William Cliff revisite la forme sacrée et codifiée du sonnet. Il n'y en a aucun de régulier. Il y a les 14 vers traditionnels mais l'organisation en strophes est plus libre, plus innovante. La construction est éclatée. Deux poèmes échappent même au nombre de vers logiquement imposés pour construire un sonnet. Parfois même, le poète clôt son sonnet en utilisant un signe de ponctuation qui n'est le point et le poème suivant est la suite directe du précédent. Ce poème qui enjambe sur un autre poème est un acte moderne, novateur et bouscule notre conception du poème même. Comme à son habitude, son écriture est réaliste. Ses textes sont accessibles et faciles à lire, comme s'ils étaient dits sur le ton de la confidence. Le poète évoque son enfance, ses désirs, certaines actions secrètes qu'il évoque ici sans filtre et sans craindre le jugement du lecteur. Dans tous ses poèmes, il y a toujours une sincérité désarmante.

Dans ses autres recueils, il évoque souvent ses voyages et ses errances. Il relate certaines anecdotes vécues dans divers pays, ici tout est plus intimiste. Il se met à nu et ouvre un pan de son existence. Le lecteur a le sentiment de mieux le connaître suite à la lecture de ce recueil. On voit les liens qu'il avait tissés avec certaines personnes de sa famille ou des individus qu'il a rencontrés. Derrière ces figures fréquentées, il y a toujours une certaine solitude qui transparaît. Dans certains regrets affirmés, on perçoit parfois celui de ne pas avoir mieux connu tel être ou de ne pas avoir prolongé telle relation. L'homosexualité est présente dans ce recueil, peut-être un peu moins que dans d'autres de ses recueils, et elle ne lui permet pas de construire des relations qui s'inscrivent dans la continuité, ou alors elles s'affirment de façon épisodique, comme en pontillés.

Ces poèmes permettent de mieux connaître ce poète, ils témoignent d'une certaine nostalgie et de regrets et offrent au poète le pouvoir d'immortaliser les êtres de son choix en leur consacrant ces sonnets modernes.
William Cliff le "navetteur" 9 étoiles

William Cliff est étonnant et sa biographie poétique exhibe l'homme à nu à travers ce qu'il fut et devient, au sein de ses rencontres et dont bons nombres des acteurs sont ici ressuscités. Le tout dans un filage où l'alexandrin se moque de lui-même pour enfiler avec ironie des perles de vie.

Le lecteur galope avec un tel "navetteur" ailé. Il sut et sait contre sa misère intérieur lutter . Et ce avec ses désirs d'enfant même lorsqu'il est devenu plus grand mais toujours "divaguant" avec grâce, alacrité er émotion.

Contre la gravité contondante à travers les personnages, amants et auteurs de sa vie (dont Claudel), il nous fait partager son désir d'exister et c'est une totale réussite, même lorsque le vent tournait parfois . Mais l'auteur sut s'arrimer à son existence au sein même de ses blessures. Chapeau !

Jean-Paul Gavard-Perret

JPGP - - 77 ans - 2 mars 2023